La Guerre des Gaules
lendemain, César, laissant pour garder chacun des camps les forces qui lui parurent suffisantes, disposa toutes ses troupes auxiliaires à la vue de l'ennemi devant le petit camp ; comme ses légionnaires étaient numériquement inférieurs aux troupes d'Arioviste, il voulait faire illusion sur leur nombre en employant ainsi les auxiliaires. Lui-même, ayant dispersé ses légions en ordre de bataille sur trois rangs, il s'avança jusque devant le camp ennemi. Alors les Germains, contraints et forcés, se décidèrent à faire sortir leurs troupes : ils les établirent, rangées par peuplades, à des intervalles égaux, Harudes, Marcomans, Triboques, Vangions, Némètes, Sédusiens, Suèves ; et, pour s'interdire tout espoir de fuite, ils formèrent une barrière continue sur tout l'arrière du front avec les chariots et les voitures. Ils y firent monter leurs femmes, qui, tendant leurs mains ouvertes et versant des larmes, suppliaient ceux qui partaient au combat de ne pas faire d'elles des esclaves des Romains.
Figure 5 The Battle with Ariovistus
52. César confia le commandement particulier de chaque légion à chacun de ses légats et à son questeur, afin que les soldats eussent en eux des témoins de leur valeur individuelle ; lui-même engagea le combat par l'aile droite, parce qu'il avait observé que la ligne ennemie était moins solide de ce côté-là. Nos soldats, au signal donné, se ruèrent à l'ennemi avec une telle vigueur, l'ennemi, de son côté, s'élança si soudainement et d'une course si rapide à leur rencontre, qu'ils n'eurent pas devant eux l'espace nécessaire au lancement du javelot. Abandonnant cette arme, ils engagèrent un corps à corps avec l'épée. Mais les Germains, selon leur tactique habituelle, formèrent rapidement la phalange et reçurent ainsi le choc des épées. Il s'en trouva plus d'un parmi les nôtres pour se jeter sur le mur de boucliers que formait chaque phalange, les arracher et frapper l'ennemi de haut en bas. Tandis que l'aile gauche des Germains avait été complètement enfoncée, à droite ils nous accablaient sous le nombre. Le jeune Publius Crassus, qui commandait la cavalerie, se rendant compte du danger – il était mieux à même de suivre l'action que ceux qui se trouvaient dans la mêlée – envoya les troupes de troisième ligne au secours de celles qui étaient en péril.
53. Cette mesure rétablit la situation ; tous les ennemis prirent la fuite, et ne s'arrêtèrent qu'au Rhin, à environ cinq milles du lieu de la bataille. Là, un très petit nombre, ou bien, se fiant à leur vigueur, tâchèrent de passer le fleuve à la nage, ou bien découvrirent des barques auxquelles ils durent leur salut. Ce fut le cas d'Arioviste, qui trouva une embarcation attachée au rivage et put s'enfuir sur elle ; tous les autres furent rejoints par notre cavalerie et massacrés. Arioviste avait deux épouses : l'une Suève, qu'il avait emmenée de Germanie avec lui, l'autre du Norique, la sœur du roi Voccion, que celui-ci lui avait envoyée et qu'il avait épousée en Gaule ; toutes deux périrent dans la déroute. Il avait deux filles : l'une fut tuée, l'autre fut faite prisonnière. Laïus Valérus Procillus, que ses gardiens emmenaient avec eux dans leur fuite chargé de triples chaînes, tomba entre les mains de César lui-même qui poursuivait l'ennemi avec ses cavaliers ; cet incident ne lui causa pas moins de plaisir que la victoire même, car celui qu'il arrachait aux mains des ennemis et retrouvait ainsi était l'homme le plus estimable de toute la province de Gaule, son ami et son hôte, et la Fortune, en l'épargnant, avait voulu que rien ne fût ôté à la joie d'un pareil triomphe. Valérius raconta qu'à trois reprises, sous ses yeux, on avait consulté les sorts pour décider s'il devait être sur-le-champ livré aux flammes ou réservé pour un autre temps ; c'était aux sorts qu'il devait la vie. Marcus Métius fut également retrouvé et ramené à César.
54. Quand la nouvelle de cette bataille fut connue de l'autre côté du Rhin, les Suèves, qui étaient venus sur les bords du fleuve, reprirent le chemin de leur pays ; mais les peuples qui habitent près du Rhin, voyant leur panique, se mirent à leur poursuite et en tuèrent un grand nombre. César avait en un seul été achevé deux grandes guerres il mena ses troupes prendre leurs quartiers d'hiver chez les Séquanes un peu avant que la saison l'exigeât ; il en confia le
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