La Guerre des Gaules
des nôtres.
42. Quand il apprend l'approche de César, Arioviste lui envoie une ambassade : « Il ne s'opposait pas, quant à lui, à ce qu'eût lieu l'entrevue précédemment demandée, puisque César s'était rapproché ; il estimait qu'il pouvait s'y rendre sans danger. » César ne refusa pas ; il croyait que le Germain revenait à la raison, puisqu'il proposait de lui-même ce qu'il avait précédemment refusé quand on le lui demandait ; et il espérait beaucoup que, se souvenant des bienfaits qu'il avait reçus de lui et du peuple Romain, quand il aurait examiné ses conditions, il cesserait d'être intraitable. L'entrevue fut fixée au cinquième jour suivant. Comme, en attendant, des envoyés allaient et venaient souvent de l'un à l'autre, Arioviste demanda que César n'amenât pas à l'entrevue de troupes à pied : « Il craignait, disait-il, que César ne l'attirât dans une embuscade ; que chacun vînt avec des cavaliers ; il ne viendrait qu'à cette condition. » César, ne voulant pas qu'un prétexte suffît à supprimer la rencontre, et n'osant pas, d'autre part, s'en remettre à la cavalerie gauloise du soin de veiller sur sa vie, jugea que le plus pratique était de mettre à pied tous les cavaliers gaulois et de donner leurs montures aux légionnaires de la dixième légion, en qui il avait la plus grande confiance, afin d'avoir, en cas de besoin, une garde aussi dévouée que possible. Ainsi fit-on ; et un soldat de la dixième légion remarqua assez plaisamment que « César faisait plus qu'il n'avait promis : il avait promis qu'il les emploierait comme gardes du corps, et il faisait d'eux des chevaliers. »
43. Dans une grande plaine s'élevait un tertre assez haute : il était à peu près à égale distance du camp d'Arioviste et de celui de César. C'est là que, suivant leur convention, les deux chefs vinrent pour se rencontrer. César fit arrêter sa légion montée à deux cents pas du tertre ; les cavaliers d'Arioviste s'arrêtèrent à la même distance. Le Germain demanda que l'on s'entretînt à cheval, et que chacun amenât avec lui dix hommes. Quand ils furent au lieu de la rencontre, César, pour commencer, rappela ses bienfaits et ceux du Sénat, le titre de roi que cette assemblée lui avait donné, celui d'ami, et les riches présents qu'on lui avait prodigués ; puis il lui expliqua que peu de princes avaient obtenu ces distinctions, et qu'on ne les accordait d'habitude que pour des services éminents ; lui, qui n'avait pas de titres pour y prétendre ni de justes motifs pour les solliciter, il ne les avait dues qu'à la bienveillance et à la libéralité de César et du Sénat. Il lui apprit encore combien étaient anciennes et légitimes les raisons de l'amitié qui unissait les Héduens aux Romains, quels sénatus-consultes avaient été rendus en leur faveur, à mainte reprise et dans les termes les plus honorables ; comment, de tout temps, l'hégémonie de la Gaule entière avait appartenu aux Héduens, avant même qu'ils n'eussent recherché leur amitié. C'était une tradition des Romains de vouloir que leurs alliés et leurs amis, non seulement ne subissent aucune diminution, mais encore vissent s'accroître leur crédit, leur considération, leur dignité vraiment, ce qu'ils avaient apporté avec eux en devenant amis de Rome, qui pourrait souffrir qu'on le leur arrachât ? Il formula ensuite les mêmes demandes dont il avait chargé ses envoyés : ne faire la guerre ni aux Héduens, ni à leurs alliés ; rendre les otages ; s'il ne pouvait renvoyer chez eux aucun de ses Germains, au moins ne pas permettre que d'autres franchissent le Rhin.
44. Arioviste ne répondit que peu de chose aux demandes de César, mais s'étendit longuement sur ses propres mérites. « S'il avait passé le Rhin, ce n'était point spontanément, mais sur la prière instante des Gaulois ; il avait fallu de grandes espérances, la perspective de riches compensations, pour qu'il abandonnât son foyer et ses proches ; les terres qu'il occupait en Gaule, il les tenait des Gaulois ; les otages lui avaient été donnés par eux librement ; le tribut, il le percevait en vertu des lois de la guerre, c'était celui que les vainqueurs ont coutume d'imposer aux vaincus. Il n'avait pas été l'agresseur, mais c'étaient les Gaulois qui l'avaient attaqué ; tous les peuples de la Gaule étaient venus l'assaillir et avaient opposé leurs armées à la sienne ; il avait
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