La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
résolution désespérée de combattre jusqu’au dernier soupir.
Tandis qu’ils défilaient, un murmure de joie et des applaudissemens se faisaient entendre parmi les spectateurs qui attendent impatiemment cette scène sanglante. Des gageures furent proposées et acceptées, tant sur le résultat du combat général que sur les faits d’armes de certains champions. L’air franc, tranquille, mais animé de Henry Smith fixa sur lui l’intérêt universel, et l’on paria qu’il tuerait trois de ses ennemis avant d’être renversé lui-même.
À peine Smith avait-il revêtu son armure que les chefs ordonnèrent aux champions de prendre leurs places, et au même instant Henry entendit sortir de la foule que l’attente rendait alors silencieuse, la voix de Simon Glover qui l’appelait et qui criait : – Henry Smith ! Henry Smith ! quelle folie te possède donc ?
– Oui, il désire empêcher son gendre, son gendre actuel ou futur, de passer par les mains de l’armurier. Telle fut la première pensée de Henry. La seconde fut de se retourner et d’aller lui parler. Mais la troisième lui rappela que l’honneur ne lui permettait ni d’abandonner sous aucun prétexte la troupe dont il avait embrassé la cause, ni même de paraître vouloir différer de combattre.
Il ne songea donc plus qu’à l’affaire du moment. Les deux troupes furent rangées par leurs chefs respectifs sur trois lignes de dix hommes chacune. Ils furent placés à assez de distance les uns des autres pour que chaque individu eût pleine liberté de faire mouvoir dans tous les sens son épée, dont la lame avait cinq pieds de longueur non compris la poignée. La seconde et la troisième lignes devaient servir de réserve en cas que la première éprouvât un échec. Sur la droite des rangs du clan de Quhele, le chef Eachin Ian se plaça en seconde ligne entre deux de ses frères de lait. Quatre d’entre eux occupaient l’extrémité droite de la première ligne, tandis que le père et les deux autres couvraient les derrières de leur chef chéri. Torquil avait pris sa place immédiatement derrière lui, afin d’être plus à portée de le défendre. Ainsi Eachin se trouvait au centre de neuf hommes des plus robustes de sa troupe, ayant devant lui quatre défenseurs, un de chaque côté et trois en arrière.
Les rangs du clan de Chattan furent disposés dans le même ordre, si ce n’est que le chef se plaça au centre de la seconde ligne au lieu d’occuper l’extrême droite. Henry Smith qui ne voyait dans les rangs opposés qu’un seul ennemi, le malheureux Eachin, proposa de se placer à l’extrême gauche de la première ligne du clan de Chattan. Mais Mac Gillie n’approuva pas cet arrangement ; et ayant rappelé à Henry qu’il lui devait obéissance puisqu’il était à sa solde, il lui ordonna de se placer sur la troisième ligne, immédiatement derrière lui. C’était un poste honorable que Henry ne pouvait certainement refuser, mais qu’il n’accepta qu’à contre-cœur.
Lorsque les deux clans furent ainsi rangés en face l’un de l’autre, ils annoncèrent leur animosité héréditaire et leur impatience d’en venir aux mains par des cris sauvages qui, poussés d’abord par le clan de Quhele, furent répétés par celui de Chattan, tous faisant en même temps brandir leurs épées et se menaçant les uns les autres, comme s’ils eussent voulu vaincre l’imagination de leurs ennemis avant de les combattre corps à corps.
En ce moment de crise Torquil, qui n’avait jamais craint pour lui-même, n’était pas sans alarmes pour son fils nourricier. Il se rassura cependant en le voyant, d’un air de résolution, adresser à ses compagnons avec fermeté quelques mots propres à les animer au combat, et leur exprimer sa détermination de partager leur destin et de vaincre ou de mourir avec eux ; mais il n’eut pas le temps de faire une plus longue harangue. Les trompettes du roi sonnèrent la charge, les cornemuses firent entendre leur son aigre et les combattans marchant en bon ordre, doublant le pas à mesure qu’ils avançaient et finissant par courir, se rencontrèrent au centre de la lice comme un torrent furieux rencontre le flux qui s’avance.
Pendant quelques instans les deux premières lignes où les combattans s’attaquaient les uns les autres avec leurs longues épées, ne présentèrent aux yeux qu’une suite de combats singuliers. Mais les champions placés sur les deux autres
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