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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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tête. Depuis trois jours, elle n’était qu’une blessure. Une blessure que rien ne semblait pouvoir apaiser. Vers quatre heures, pourtant, une voix força son apathie. Elle n’avait pas entendu la cellule s’ouvrir. Elle n’y prêtait plus attention depuis longtemps.
    — Seigneur Dieu, ma pauvre enfant ! Dans quel état vous a-t-on mise !
    Elle releva la tête. Dans les yeux d’Emma de Mortefon-taine, défaite, une larme perlait. Elle ne lui accorda qu’une moue indifférente. Elle n’avait plus goût à rien. Pas même à la liberté.
    — Je ne peux imaginer que votre père vous laisse croupir ici ! s’indigna-t-elle.
    — Mon père… ricana Ann, tout entière à ces images qui ne la quittaient plus. William Cormac me préfère morte plutôt que salie.
    — Allons, vous exagérez, j’en suis certaine.
    — Je l’ai bafoué et humilié, et, croyez-moi, je préfère la mort que quémander son pardon. Pas après ce qu’il m’a fait, acheva-t-elle dans un souffle.
    — Je ne le permettrai pas, Ann. Je vous aime trop, vous le savez. Fiez-vous à moi. Laissez-moi vous sortir de ce mauvais pas. En Caroline-du-Sud, personne ne sait votre condamnation. Je saurai convaincre votre père de vous pardonner.
    Ann ne répondit pas. Avait-elle envie de croiser le visage de William Cormac ? Avait-elle envie de lui réclamer enfin des comptes ? Lui dirait-il seulement la vérité ? Celle-là seule l’intéressait.
    — Qu’attendez-vous de moi ? demanda-t-elle enfin.
    — D’être patiente. Quelque temps encore. Nicolas Lawes est une de mes relations, je me fais fort d’obtenir qu’il ferme les yeux sur votre évasion. En retour, tirez un trait sur ce caractère rebelle et emporté qui est le vôtre. Soumettez-vous. Vous avez davantage à y gagner, croyez-moi. Pour votre enfant. Je suis certaine que nous lui trouverons un bon père.
    Ann baissa la tête sur son ventre. Emma de Mortefon-taine toussota, gênée par la puanteur qui se dégageait de l’endroit.
    — Vous vous trompez, Emma, personne ne voudra du bâtard de John Rackham. Personne.
    — Moi, je l’élèverai, jura-t-elle.
    — Pourquoi le feriez-vous ?
    Emma s’agenouilla devant elle et écarta une mèche de ses cheveux collés par le sel de ses larmes.
    — Je vous aime tant, Ann, ma chère Ann. Au point de ne pouvoir supporter ces pleurs que je devine.
    D’un doigt, elle suivit la courbure du menton, descendant le long des chaînettes à son cou, prenant prétexte de jouer avec leurs pendentifs pour caresser sa gorge. Et faillit s’étrangler de surprise en reconnaissant l’œil de jade sur sa paume.
    — D’où vous vient ce bijou ?
    Ann fronça le sourcil devant sa mine.
    — C’est Mary qui me l’a offert. Pourquoi ?
    Elle referma sa main sur celle d’Emma, qui s’était mise à trembler sur le médaillon.
    — Vous connaissiez Mary Read, n’est-ce pas ?
    Emma se recula jusqu’aux barreaux de la cellule, livide.
    — Mary est en vie, murmura-t-elle, incrédule.
    — Etait, rectifia Ann, elle a passé il y a trois jours, des suites de sa fausse couche, ici même.
    Malgré son gros ventre, Ann bondit, retrouvant d’un coup ses forces devant l’air désemparé d’Emma.
    — Ainsi donc tu sais, dit celle-ci.
    — Que devrais-je savoir, Emma ? susurra Ann, l’œil inquisiteur. Que m’avez-vous caché, vous et mon père ? Qui était cet homme dans le cauchemar de mon enfance, que j’ai vu tué d’une balle au front ? Qui l’a occis de cette manière pour qu’il m’en reste tant de haine ? Et quel est le secret de ce médaillon que Mary m’a donné en me serrant dans ses bras sur le bateau de Rackham, juste avant qu’on nous prenne ? Je veux la vérité, insista-t-elle en l’acculant contre les barreaux, buvant son effroi comme une eau souveraine.
    — Elle ne t’a rien dit, bredouilla Emma, incapable d’ordonner ses pensées. Mary Read ne t’a rien dit, et tu ne te souviens pas ?
    — De quoi devrais-je me souvenir ? Dites-le-moi ! hurla Ann.
    — D’elle, trembla Emma, à court d’idée.
    Une seule lui vint. Elle la jeta.
    — Mary Read est l’assassin de cet homme qui a hanté tes souvenirs. Mary Read est l’assassin de ton père.
    Ann blêmit et recula.
    — Elle a prétendu être ma mère. Elle n’aurait pas pu faire cela.
    Emma se mit à sangloter.
    — C’est faux, Ann. Ta mère, ta vraie mère, c’est moi.
    Ann demeura figée. Emma tendit ses bras vers elle,

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