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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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La ville entière, sous la domination de sa belle-famille, se serait dressée contre eux. Cormac avait accepté leurs excuses. Il comprenait.
    Mais il souffrait mille morts.
    De l’opprobre dans laquelle cette affaire l’avait jeté, mais aussi du sort pitoyable de son aimée.
    — Vous ! cracha-t-il, retrouvant d’un coup une bouffée d’orgueil. Comment osez-vous venir me narguer dans cette cellule ?
    — Du droit d’une amie, et d’une femme qui vous a aimé, William.
    — Quelle chance ! railla-t-il. Me pensez-vous idiot, Emma ? Cette plantation en Caroline-du-Sud à mon nom, qui d’autre que vous en aurait eu les moyens et l’idée ?
    — Je ne le nie pas, avoua Emma en s’adossant à la porte de sa cellule. Ce n’était cependant pas destiné à vous nuire, mais à vous remercier des services que vous m’aviez rendus et du plaisir que vous m’aviez donné. Croyez-moi, William. J’ignore comment ce document est arrivé entre les mains de votre épouse. Je l’avais rangé dans un tiroir de mon bureau avant de partir pour l’Europe. Il en a disparu… un cambriolage, sans doute.
    — Le jurez-vous ? demanda Cormac, pour qui un serment avait valeur de procès.
    — Je le jure, William, mentit Emma. Et pourtant je viens réparer ma négligence. J’ai le pouvoir de vous faire sortir d’ici en réclamant que votre peine soit commuée en bannissement.
    — La belle affaire, ricana William Cormac.
    — Ne soyez pas sot, mon cher ! Quel avenir auriez-vous désormais ici comme attorney ?
    Cormac avait déjà longuement songé à cette question. Il se radoucit aussitôt, sachant qu’elle avait raison.
    — Très bien. Que me proposez-vous ?
    — C’est un de mes navires qui assurera le convoi des exilés pour les Indes occidentales. Il vous déposera à Charleston avec votre amante et vous entrerez en possession de cette plantation. Nul là-bas ne connaîtra votre passé et vous pourrez y vivre en paix. Votre sens du commerce saura vite faire fructifier cette affaire.
    — Qu’y cultive-t-on ? demanda Cormac, avec un nouveau souffle d’espoir.
    — Du coton pour l’essentiel, mais le commerce du chocolat est florissant. Peut-être pourriez-vous vous y essayer ?
    Il se leva et avança vers elle. Emma ne bougea pas d’un pouce et il s’immobilisa sous son regard glacé.
    — Comment vous remercier, Emma ?
    — Vous le pouvez en adoptant une enfant. Une fillette de deux ans que l’on m’a confiée à la mort de ses parents. Je ne peux en assumer la charge pour l’instant. Elle a subi un traumatisme et nécessite une attention soutenue. Je ne doute pas que vous trouverez auprès d’elle matière à vous guérir de la disparition de votre enfançon.
    Cormac baissa la tête. Il aurait dû se douter qu’Emma avait un intérêt à sa prétendue générosité. Elle ne donnait jamais rien sans rien. Cette fois, pourtant, il ne pouvait s’en plaindre.
    — Soit. Arrangez mes affaires et celles de Marie, et nous ferons ce que vous souhaitez.
    Elle lui sourit avec compassion, concluant, perfide :
    — Dommage que vous ne vous en soyez pas toujours souvenu. Mais n’en parlons plus, voulez-vous ? Soyez heureux et choyez Ann en la faisant passer pour votre fille. Faites-lui oublier son passé. Imposez votre paternité. Ma plantation à Charleston est voisine de la vôtre. Nous nous y verrons lors de mes séjours là-bas, et je pourrai ainsi, le moment venu, nantir cette enfant comme si j’étais sa marraine.
    — Qui est-elle en vérité ? demanda Cormac, soupçonneux.
    — Il vaut mieux pour vous, mon cher, que vous ne le sachiez jamais.
     
    *
     
    Un mois durant, Mary chevaucha sans relâche, ne ménageant ni son fils, qui ne s’en plaignit pas une fois, ni sa monture. La nuit, ils s’arrêtaient dans les auberges et elle demeurait étendue sur le lit, insomniaque souvent. Près d’elle, Junior dormait d’un sommeil agité, cherchant sa chaleur pour s’en apaiser.
    Elle était éreintée, vermoulue, les yeux cernés et rougis par le soleil ou la pluie qu’il leur fallut affronter durant leur voyage. Leurs manteaux et leurs tricornes ne suffisaient pas à les protéger, augmentant encore le fardeau de leur course.
    Parfois, elle sentait son fils s’alourdir contre son ventre, bercé par le rythme soutenu du cheval. Elle resserrait alors ses bras autour de lui pour le maintenir en selle, sans ralentir son allure. Cette tension la concentrait sur son objectif,

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