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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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avait-elle pu entrer en possession de ce courrier ? Comment, sinon par l’intermédiaire de Corneille ou de Forbin, si Corneille n’était plus ?
    Ces questions l’avaient tourmentée. Elle refusait de croire que l’un ou l’autre l’ait trahie. Elle avait trop besoin de se raccrocher à leur tendresse.
    Au milieu de ces marins qui emplissaient la taverne, elle avait aussi besoin de se rassurer, de trouver des réponses pour être certaine qu’elle n’abandonnerait pas Junior à ses ennemis. Leur conversation pouvait l’y aider.
     
    Elle servit à boire à son fils. Assis en face d’elle, les coudes posés sur la table pour se rehausser suffisamment et ne rien perdre de la scène, celui-ci bombait le torse comme un jeune coq. Il respectait pourtant les ordres que lui avait donnés sa mère de ne pas se faire remarquer et de se taire. La menace de le laisser à l’auberge s’il désobéissait avait porté.
     
    — Holà, tavernier, sers-nous-en une ! Et pas de ton ordinaire ! beugla une voix.
    Une voix rauque que Mary pensait avoir oubliée.
    Corneille, égal à lui-même, malgré ces années qui s’étaient écoulées, venait de franchir la porte de l’estaminet. Sans s’intéresser à la clientèle, il se dirigea d’emblée vers le fond de la salle, un homme à ses côtés, noiraud de chevelure, une cicatrice sur la tempe.
    Mary fronça les sourcils. Cette figure et cette cicatrice lui semblèrent familières. Elle avait reconnu d’autres matelots de La Perle dans cette salle, aucun ne lui laissait cette désagréable impression de danger.
    — Vous n’êtes donc pas crevés ? s’époumona le cabaretier en serrant la main que Corneille lui tendait. Y a de la chance que pour la canaille, ajouta-t-il en récupérant un pichet pour aller le remplir à une barrique.
    Mary serra les poings sur une flambée de rage. Elle venait de se souvenir. Cet homme était celui qui avait rapporté l’œil de jade du descendant de Jean Fleury à Tobias Read. Elle le fixa intensément pour s’en assurer. Elle dut se rendre à l’évidence. Cette cicatrice si vilaine et particulière ne pouvait la tromper. Son sang se glaça. Ses doutes prenaient une réalité. Corneille s’était associé à ses ennemis. Corneille l’avait trahie.
    — Qu’est-ce qu’il y a, maman ? réagit aussitôt Junior, s’apercevant de la contraction de ses traits.
    Mary le fixa droit dans les yeux et ordonna, à voix basse :
    — Tu vas faire ce que je te dis, sans discuter.
    L’enfant blanchit. Le regard de sa mère le dispensait de commentaires. Quoi qu’il se passe, les battements désordonnés de son cœur lui dictaient qu’ils se trouvaient en danger. Il hocha la tête.
    — Tu vois les deux hommes à la table du fond ? Celui qui a le bras coupé ?
    Junior fit signe que oui après avoir lancé un coup d’œil discret. Occupés à plaisanter avec le cabaretier, ceux-ci ne les avaient pas remarqués.
    — Ils ne doivent pas nous repérer. Marche la tête basse et si je te dis de courir, fais-le, sans te retourner, jusqu’à notre chambre. Je t’y rejoindrai.
    Junior sentit sa gorge se nouer. Il se leva pourtant comme sa mère le lui avait demandé, referma ses doigts sur le poignard de son père et gagna la sortie, Mary à ses côtés.
    Le regard de Corneille pivota dans leur direction, s’arrêta sur ces hanches moulées dans le pantalon, cette nuque qui s’éloignait. Son cœur se serra instinctivement.
    — Où tu vas ? demanda son compère.
    Corneille ne répondit pas. Il se fraya un passage jusqu’à la porte et l’ouvrit, le cœur battant. Au-dehors, la foule qui se pressait sur le quai avait déjà avalé les deux silhouettes. Il s’en retourna vers ses compagnons, un méchant bourdon dans le cœur et à ses tempes.
    — J’aime pas ton vin, le Cuvier, grogna-t-il, maussade soudain. Je suis sûr qu’il est frelaté.
    — Quelle mouche te pique ? se renfrogna l’accusé en portant ses poings sur ses hanches.
    En réponse, l’Homme en noir éclata de rire en pressant un bras sur l’épaule de Corneille.
    — Oublie ça, l’ami, dit-il au cabaretier. C’est pas du vin qu’il lui faut, c’est un petit cul à fourrer ! Comme à nous tous d’ailleurs. Pas vrai, les gars ?
    Il recueillit aussitôt un concert de voix qui approuvait.
     
    Mary et Junior cessèrent de courir à quelques rues de là. Mary avait entraîné son fils par le bras pour s’éloigner au plus vite du cabaret.
    Tous

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