La Perle de l'empereur
l’impression que l’on avait enlevé mon frère !
— Votre Grandeur est infiniment bonne et je sais quelle aide généreuse elle s’est efforcée de m’apporter. Je ne saurais dire à quel point je lui en suis reconnaissant…
— En ce cas, fit le maharadjah en fermant à demi les yeux, ce qui ne laissa filtrer qu’un mince éclat de son regard jaune, pourquoi ne pas revenir à nos conventions d’avant cette terrible épreuve : laissons de côté la grandeur et appelez-moi Jay Singh !
— Ce ne sera peut-être pas très facile mais je promets d’essayer…
Ses beaux serviteurs disparus, le prince tira démocratiquement un fauteuil pour s’installer près d’Aldo en prenant soin de récupérer quelques coussins supplémentaires. Ce faisant, son regard, comme précédemment celui de Langlois, effleura le carton armorié et il sourit :
— Ah ! Vous avez reçu, je vois, l’invitation de Kapurthala ?
— En effet. Accompagnée d’une aimable lettre du prince Karam.
— Vous y viendrez, j’espère ? Cela nous permettra de nous retrouver sous le ciel de mon magnifique pays… Mais, j’y pense, pourquoi n’irions nous pas ensemble ?
— Ensemble ?
— Mais oui. Partez un peu plus tôt, venez avec moi à Alwar ! Cela me permettra de faire admirer à l’expert que vous êtes les quelques joyaux rares que je possède. Et Alwar renferme des trésors architecturaux. Ensuite nous irons ensemble chez Jagad Jit Singh. Mon train privé est plus confortable que celui du Vice-Roi…
— Je n’en doute pas mais cette invitation s’adresse aussi à ma femme et elle est habituée à être accueillie avec autant d’égards que moi-même. Je ne saurais imposer cela à…
— Laissez, laissez ! Ce n’est pas un inconvénient ! J’ai moi aussi des épouses qui ne quittent guère le palais. Recevoir la princesse Morosini sera une vraie joie pour elles. Je voyage beaucoup et elles se sentent évidemment un peu seules : une telle visite leur apportera bonheur et lumière… Oh, ne me refusez pas ! Nous passerons quelques jours charmants… En outre, ajouta-t-il après un léger temps d’arrêt, j’avais dans l’idée en venant ici aujourd’hui de conclure avec vous une affaire.
Dès que le mot fut prononcé, Morosini se sentit plus détendu. Voilà un terrain solide sur lequel il aimait à s’aventurer et, à contempler cet homme dont le moindre mouvement faisait jaillir des étincelles, il pensa que ce pourrait être fort intéressant. De toute façon cela lui changerait les idées…
— Quel genre d’affaire ? demanda-t-il.
— Je souhaite acheter la perle dont les journaux ont parlé avec tant d’abondance. Celle qui appartenait au grand Napoléon ! Pouvez-vous me la montrer ?
— Elle n’est pas ici. Cette maison appartient à ma grand-tante la marquise de Sommières. C’est une dame âgée qui vit avec des serviteurs plus très jeunes non plus et la « Régente » s’est révélée un joyau… dangereux. Je me dois d’ailleurs de vous en informer, Altesse.
Alwar eut un geste de la main qui balayait la mise en garde :
— Pouvez-vous me la décrire en spécialiste que vous êtes ?
C’était pour Morosini l’enfance de l’art. Il se surprit même à se laisser aller sur les pentes d’un certain lyrisme pour évoquer l’orient admirable, la forme, le doux éclat de la grosse perle, sans oublier la pureté et la qualité extrêmes des diamants qui la coiffaient. Le maharadjah buvait ses paroles et, quand ce fut fini, il se montra enthousiaste :
— Magnifique ! Je vois déjà exactement le collier que je ferai exécuter et dont elle sera la pièce maîtresse. Le prix importe peu et je l’achète !
Aldo en aurait crié de joie. Il avait l’impression que le ciel s’ouvrait au-dessus de lui pour lui permettre d’entendre chanter les anges ! La damnée perle allait partir pour les Indes, tout à fait hors de portée de « Napoléon VI » ! Et cette châsse ambulante ne discuterait même pas le prix ! Un prix grâce auquel la vie du petit Le Bret serait assurée et quelques misères soulagées.
— Je pense, dit-il en s’efforçant de contenir sa joie, que vous ne regretterez pas cet achat, Monseigneur ! C’est à ma connaissance l’une des deux plus belles perles du monde et si vous voulez bien me faire l’honneur de revenir demain, elle vous attendra.
— C’est que demain je ne serai plus là ! Je rentre chez moi par le
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