La Perle de l'empereur
Monseigneur.
— À la princesse Morosini. Vous savez quelle tendre admiration je voue aux jolies femmes – ce qui n’est pas le cas d’Alwar ! – et votre épouse est exquise. Aussi ma belle-fille Brinda, que vous connaissez déjà et qui n’a fait que l’entrevoir, souhaiterait la recevoir dans ses appartements… jusqu’à ce que les princes regagnent leurs États. Croyez-vous que la princesse Lisa – c’est bien son nom ? – accepterait ? Cela ne la privera d’aucune des fêtes puisque Brinda reçoit ici à mes côtés et à ceux de Tïkka, mon fils aîné, et que je n’applique pas le purdah. Simplement elle ne sera pas près de vous. Et Brinda est certaine qu’elle portera le sari avec beaucoup de grâce et d’élégance. Qu’en pensez-vous ?
— Que vous êtes, Monseigneur, l’homme le meilleur et l’hôte le plus délicat qui soit. Merci ! De tout mon cœur merci !
Lisa accueillit l’invitation avec un sourire qui cachait un certain soulagement. Depuis que l’on attendait Alwar, Aldo devenait nerveux et Adalbert presque autant que lui. La sachant à l’abri, ils se sentiraient mieux l’un et l’autre et, surtout, ils auraient les coudées franches et les mains libres pour faire face à l’ennemi.
— Après tout, nous ne nous quittons pas vraiment et ce n’est que pour peu de jours. Et puis c’est peut-être amusant de vivre au zénana… à condition toutefois que cela ne te souffle pas l’idée d’en installer un chez nous…
— Tu veux ma mort ? fit Aldo en l’embrassant d’une façon fort peu conjugale. Avec toi, Amélia, Lydia et nos autres dévouées servantes, je trouve qu’il y a déjà bien assez de femmes à la maison !
— Goujat !
Et elle suivit en riant les serviteurs qui venaient chercher ses bagages...
Délivrés de ce souci, il ne restait qu’à attendre l’inévitable affrontement. Il eut lieu le soir même…
Le palais, cette nuit, revêtait une livrée magique. Des milliers de petites flammes courtes dansant dans des coupes de verre rose et or illuminaient, à la mode indienne, les terrasses, les balcons, les toits et presque chaque détail de l’architecture. Pour ne pas rompre le charme, les ors et les couleurs des salons, dédaignant pour une fois l’électricité, reflétaient la flatteuse lumière de milliers de cierges et de bougies plantés dans les hauts candélabres. Chandeliers et bougeoirs scintillaient au milieu d’une débauche de roses et de jasmin. C’était sans doute aussi dans le même esprit d’harmonie et pour éviter la tache noir et blanc de l’habit occidental que, vers la fin du jour, Aldo et Adalbert avaient reçu des mains du tailleur du palais, des caftans de brocart doré, d’étroits pantalons assortis et des turbans d’un beau rouge pivoine comme ceux que l’on portait dans le pays. Un mot du maharadjah accompagnait le tout, priant ses invités de bien vouloir, pour cette soirée, lui faire la grâce de porter le costume national.
— Il doit penser qu’ainsi on se perdra dans la foule, conclut Adalbert en prenant des poses devant la glace. Heureusement que nous avons tous deux la peau suffisamment tannée pour ne pas détonner.
Évidemment, ils étaient plus grands que la moyenne des invités, mais le résultat n’était pas si mal ! À l’exception peut-être des turbans.
— J’ai l’impression de m’être écrasé une fraise sur la tête, grommela Adalbert. Même ma mèche ne peut pas retomber…
— Moi je trouve que nous sommes très bien ! fit Aldo avec satisfaction. Et c’est plus agréable à porter qu’un plastron glacé et un col à coins cassés ! Surtout dans ce pays !
— Oh toi, bien sûr, tu aurais de l’allure sous les guenilles d’un mendiant ! Tout ce que j’espère, c’est ne faire rigoler personne.
À l’entrée des salons, ils rencontrèrent le seul Français qui soit resté à Kapurthala. Les liens étroits de M. de Croisset avec la famille princière et le fait qu’il commençait là un long périple à travers les Indes expliquaient sa présence. Il portait exactement la même robe dorée qu’eux, mais son long, aristocratique et pâle visage – il relevait d’une maladie – s’accommodait assez bien d’un turban rajpoute à pan flottant dans les mêmes nuances que sa robe.
— Votre turban, remarqua Morosini, fait beaucoup plus vrai que les nôtres ! On voit que vous êtes un invité privilégié.
— Ce n’est pas cela du
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