La Perle de l'empereur
bracelets de rubis ayant appartenu à la reine Marie-Antoinette…
Aldo retint un soupir excédé. Marie-Antoinette ! Encore elle ! Si la superbe et pauvre reine avait possédé les bijoux qu’on lui attribuait, elle aurait du transformer la moitié du château de Versailles en coffre-fort. Il se contenta de murmurer :
— La reine ne portait jamais de rubis. Elle aimait presque exclusivement les diamants et les perles. Les saphirs aussi qui s’accordaient si bien à ses yeux… comme vous le faites d’ailleurs !
— Vous croyez ? Mon époux cependant était formel. Il disait en avoir les preuves. En somme il pouvait s’agir d’un présent fait par un souverain étranger par le truchement de son ambassadeur…
— Un ambassadeur digne de ce nom commençait par se renseigner sur les goûts de la personne destinée à recevoir un présent de son maître, surtout lorsqu’il s’agissait d’une femme aussi célèbre que Marie-Antoinette.
— N’importe qui peut se tromper. Ce qu’il reste est que j’ai porté jadis ces deux bracelets qui sont proprement fabuleux, vraiment dignes d’entrer dans un trésor royal. En outre je sais où ils sont.
— En ce cas je ne vois pas ce que peut être mon rôle.
— Celui de négociateur. J’ai vu il y a quelques jours mes bracelets chez le maharadjah de Kapurthala. Ils étaient aux bras de la princesse Brinda…
Morosini sauta moralement en l’air :
— Et vous voulez que j’aille lui demander de vous les vendre ? Que ne l’avez-vous fait vous-même ?
— Les femmes sont de peu d’importance chez les Hindous, même si le maharadjah les aime beaucoup. Un homme de votre réputation réussirait mieux que moi. Et il ne s’agit pas d’acheter mais de me faire rendre ce qui m’appartient…
Tout simplement ! Aldo en avait assez entendu. Cette femme devait être folle. Il se leva, s’inclina :
— Désolé, comtesse, mais il ne faut pas compter sur moi pour une entreprise dont le bien-fondé n’est pas vraiment établi. Au surplus vous demandiez un négociateur alors que c’est un récupérateur qu’il vous faut. Enfin, avant la guerre, mes parents ont beaucoup connu au château de Chaumont, chez la princesse de Broglie, le maharadjah, qui est un homme charmant et un grand ami de la France. Je n’ai aucune envie que des retrouvailles avec lui se présentent sous des auspices aussi déplaisants.
— Allons ! Ne nous fâchons pas et restez encore un peu ! Oublions les bracelets ! Je tiens à ce que nous devenions amis.
Ses beaux yeux suppliaient, pleins d’une repentance qui semblait sincère et, à moins de se conduire comme un goujat, Aldo ne pouvait que se rasseoir.
— Je ne demande pas mieux, madame, à condition que vous ne me demandiez plus l’impossible. À propos, ce que vous venez de me dire m’étonne : le maharadjah est déjà arrivé à Paris ? En général il arrive plus tard.
— Oui, il a avancé son séjour à cause des fêtes de son jubilé qui doivent avoir lieu à l’automne. Il a passé des commandes importantes à des joailliers parisiens et il vient voir ce qu’on lui prépare. Mais changeons de sujet ! Savez-vous ce que vous devriez faire pour sceller notre amitié ?
— J’espère que vous allez me le dire.
— M’inviter à dîner ce soir dans un endroit agréable ! Je suis libre pour une fois et j’ai envie de sortir avec vous. Ne fût-ce que pour faire enrager quelques-unes de ces femmes dont je vous parlais tout à l’heure !
— Je pense qu’il vous suffit de paraître pour atteindre ce but.
— Peut-être, mais avec vous ce sera plus amusant ! Venez me prendre à huit heures. Si j’étais un peu en retard Tamar vous ferait patienter…
— Je préférerais vous attendre dans une voiture. Elle n’est pas très divertissante…
— Mais tellement dévouée !… Faites comme il vous plaira…
— Eh bien, je monterai dire que je vous attends !
— Tu sors avec une femme, toi ? s’écria Vidal-Pellicorne, scandalisé. Tu as songé à Lisa ?
— Lisa est à Salzbourg où elle prend un bain de Mozart et certainement pas en la seule compagnie de sa grand-mère. En outre elle sait très bien que lorsque je voyage je ne vole pas de monastère en monastère. Enfin ce n’est pas moi qui ai formulé l’invitation. C’est elle qui m’a demandé de l’emmener dîner. Difficile de refuser, n’est-ce pas ?
— Quelque chose me dit que si elle avait été
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