La Perle de l'empereur
tranquille…
— Habillée comme vous l’êtes ? Votre coin tranquille se changerait vite en meeting. Mais si vous n’aimez pas Maxim’s nous pouvons aller ailleurs ?
Elle serra contre elle le bras de son compagnon auquel elle s’appuyait et sourit :
— Non, c’est très bien ! Ne faites pas attention : il y a des moments où je deviens un peu folle, je crois…
— Cela vous va si bien !…
C’est apparemment ce que pensa Albert, le célèbre et bedonnant, l’universel maître d’hôtel du fameux restaurant quand il les accueillit. Son regard, discrètement appréciateur, pétilla à la vue de la jeune femme et il salua Aldo en homme qui sait son monde, puis il les guida vers l’une des tables les plus en vue de la salle qui avec ses acajous sculptés, ses cuivres et ses sièges de cuir rouge était l’un des chefs-d’œuvre du modern style. Morosini chuchota :
— La comtesse préférerait un coin tranquille, Albert !
— Comme c’est dommage ! J’ajoute que les coins tranquilles sont rares ici.
Il les mena cependant à une table d’angle où Tania s’installa avec un soupir de satisfaction.
— Maintenant je boirais bien un peu de champagne ! soupira-t-elle en faisant glisser ses longs gants noirs qui montaient plus haut que le coude.
Pendant qu’Aldo établissait leur menu, elle caressait tour à tour ses bracelets et le diamant de son annulaire mais semblait à nouveau absente.
— Vous aimez vraiment les bijoux, n’est-ce pas ? fit Morosini qui l’observait depuis un instant.
— Je les adore ! Ils sont ce que la terre et les hommes font de plus beau !
— Vous êtes dure pour l’espèce humaine. Et si vous me parliez de ceux que vous recherchez ?
— Plus tard, s’il vous plaît. Il y a une question qui me brûle les lèvres depuis cet après-midi : cette perle que j’ai vue chez Félix, qu’en avez-vous fait ? Vous l’avez littéralement escamotée…
— Elle a regagné son coffre tout simplement.
— Vous l’aviez apportée à Félix pour qu’il l’achète ?
— Pas vraiment. Pour la lui montrer.
— À qui appartient-elle ? À vous ?
— Pas à moi, non. Quant au propriétaire, je ne suis pas autorisé à le nommer. C’est, vous le savez peut-être, l’une des lois de notre profession : le secret absolu sauf si l’on nous en délie, ce qui n’est pas le cas.
— Dommage ! Je n’ai fait que l’entrevoir et j’aurais aimé pouvoir la contempler à mon aise. Je ne pensais pas qu’en dehors de la Pérégrine il en existe une autre de cette taille. Elle a un nom ?
— Oui. La « Régente » !
— C’est joli…
Elle avait choisi des huîtres mais, avant de les attaquer, elle soulevait d’une petite fourchette délicate chacune de celles disposées dans son assiette.
— Vous cherchez les perles ? fit Morosini amusé.
— Un coup de chance est toujours possible. C’est arrivé à l’une de mes amies, un jour.
La salle se remplissait peu à peu d’hommes en habit ou en smoking et de femmes très parées, Tania se résignait à manger ses huîtres quand, soudain, elle se mit à tousser et son visage disparut dans sa serviette. En même temps, elle se levait :
— Excusez-moi ! fit-elle d’une voix étouffée. Je… je reviens !
Et elle disparut en direction des toilettes, si vite qu’Aldo eut juste le temps de se lever aussi comme le voulait le code des bonnes manières. Décidément cette soirée n’était pas une réussite ! Tout semblait marcher de travers à plaisir ! Abandonnant lui aussi son assiette, il alluma une cigarette et attendit…
Il attendit même un bon moment avec une nervosité croissante. Deux cigarettes se consumèrent sans que Tania reparût. Plus agacé qu’inquiet – il n’était pas possible qu’elle fût malade avec ce visage rayonnant de beauté ! –, il se disposait à aller voir ce qu’il en était quand Albert s’approcha pour lui dire que sa belle compagne le priait de l’excuser, que prise d’un malaise qui se prolongeait, elle choisissait de rentrer :
— Le chasseur lui a cherché un taxi et elle est partie.
Il n’avait pas besoin de chuchoter, le bruit de l’orchestre et des conversations les isolant suffisamment.
— Pourquoi ne pas m’avoir fait appeler si elle était souffrante à ce point ?
Albert toussota, visiblement gêné :
— En fait elle est partie depuis quelques minutes et ne s’est rendue aux lavabos que pour se laver
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