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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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merveilleux, n’est-ce pas ? Vite, habille-toi, nous
allons le voir. Pendant ce temps, je vais prévenir Catherine et Robert.
    Il sortit, comme un tourbillon. Tremblante d’excitation, je
préparai mon manteau, mis mes chaussures. Je mis de l’ordre dans ma cuisine, et
je me sentais, moi aussi, impatiente et heureuse.
    Jean revint alors que j’enfilais mon manteau. Dans mon
énervement, je n’arrivais pas à le boutonner correctement. Mon fils se mit à
rire :
    — Tu n’es pas mieux que moi, maman ! Si tu m’avais
vu, toute la journée, occupé à faire les cent pas dans la salle d’attente !
Heureusement que je ne fume pas, sais-tu, parce que j’en aurais consommé, des
cigarettes !
    Il me regarda, et ses yeux se firent graves :
    — C’est la première fois que je suis complètement
heureux depuis… depuis la mort de papa…
    J’allai vers lui, le serrai dans mes bras, appuyai ma tête
sur son épaule :
    — Moi aussi, mon grand, dis-je tout bas, je suis
heureuse. Je ne regrette qu’une chose : c’est qu’il ne soit pas là pour se
réjouir avec nous.
    Une question se fit jour dans mon esprit, que j’avais
toujours repoussée au fond de ma conscience. Je me décidai à la poser :
    — Dis-moi, Jean… Je voudrais te demander… As-tu
dit à Marcelle la vérité concernant ton père ? Sait-elle que Charles ?…
    Je vis, dans ses yeux, passer un refus farouche :
    — Non, dit-il avec force, non, elle ne sait pas. Je
ne lui dirai jamais. Ce secret ne regarde que nous. Je ne sais pas si elle
comprendrait, elle est si entière ! Moi-même, j’ai eu tant de mal à
comprendre ! Et puis elle ne pourrait pas s’empêcher d’en parler à sa mère :
elle lui raconte tout. Non, maman, elle ne sait pas, et c’est bien mieux ainsi.
Elle me croit, comme tout le monde, le fils de Charles. Et c’est ce que je suis.
Je me suis toujours senti son fils, je n’ai jamais eu l’impression qu’il n’était
pas mon père…
    Les larmes aux yeux, je souris à mon enfant. D’une voix
basse et rauque, je chuchotai :
    — Merci… Merci pour ce que tu viens de me dire.
    Nous nous sommes regardés, et nous nous sommes sentis
profondément unis.
    La porte s’ouvrit. Catherine et Robert entrèrent.
    — Alors, demanda Robert, on y va ? J’ai hâte
de connaître mon petit-fils !
    Ils étaient émus et contents. Notre joie était commune.
    Nous sommes sortis de la maison, tous les quatre impatients
d’aller voir ce bébé que nous aimions déjà sans le connaître. J’ai pensé à
Charles, mais cette fois-ci sans aucune amertume. Il me semblait qu’il nous
voyait et que, là où il était, il souriait.
     
    Dès que j’entrai dans la chambre, la première chose que je
vis, ce fut Marcelle, dans son lit, le visage pâle mais le regard brillant d’une
radieuse lumière. Et puis, en approchant, je le vis, lui, ce petit bout d’homme
à peine éclos et qui, pourtant, tenait déjà une place immense dans nos cœurs. Il
était couché dans un petit berceau, tout près de Marcelle, et dormait. Je le
regardai intensément, détaillant avec passion son petit visage, ses oreilles parfaites,
ses petits poings serrés sur l’oreiller. J’embrassai Marcelle sans un mot, trop
émue pour parler. Elle me sourit, murmura :
    — Il est beau, n’est-ce pas ?
    Catherine et Robert, de chaque côté du berceau, ne se
lassaient pas de le regarder, et il y avait dans leurs yeux une douceur, un
émerveillement que je partageais.
    Jean se pencha, prit délicatement son fils et le déposa dans
mes bras. Je pris contre moi l’enfant de mon enfant. Comme une vague, une pure
et profonde émotion m’envahit, et je pleurai. Et mes larmes étaient, cette
fois-ci, un hymne à la vie.

8
    DEPUIS ce jour, cinq années se sont écoulées. Cet enfant m’a
ramenée vers la vie. Grâce à lui, j’ai réappris à aimer, à rire, à jouer. À travers
lui, j’ai retrouvé l’enfance de Jean, les premiers sourires, les premiers
balbutiements, les premiers pas. Il y a eu le jour où il m’a tendu les bras en
m’appelant Mémé, le jour où il est venu vers moi en se dandinant maladroitement
sur ses jambes incertaines. Toute ma vie, dorénavant, est basée sur lui. Depuis
qu’il est là, elle est beaucoup moins grise. Il en est le petit soleil.
    C’est un enfant vif, gai, heureux de vivre, facile à élever,
et, en même temps, tendre et sensible. Tout de suite, il a adoré Pompon, et ce
fut réciproque. Ils sont de

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