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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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cryptes ? Un roi venait de mourir et, tels des chacals, des empereurs se disputaient son trône pour s’emparer du butin. Et si les empereurs se souciaient bien peu des tombes qu’ils semaient dans leurs sillages, pourquoi leurs serviteurs auraient-ils dû s’en préoccuper davantage ? « La roue tourne, un jour en haut, un jour en bas », disent les sages, et il en était ainsi de cette nuit-là.
    Il s’appelait Mattias, il avait douze ans et il ignorait absolument tout des affaires de politique et d’État. Il était issu d’une famille de forgerons saxons, transplantée par son grand-père émigrant jusque dans une profonde vallée des Carpates et un village sans la moindre importance, sauf pour ceux qui l’appelaient leur chez-eux. Mattias dormait près de l’âtre de la cuisine, et rêvait de feu et d’acier. Il s’éveilla dans l’obscurité précédant l’aube, le cœur battant comme un oiseau farouche piégé dans sa poitrine. Il enfila des bottes et un manteau de cuir marqué de brûlures, et, silencieusement – car ses deux sœurs et sa mère dormaient dans la pièce à côté –, il prit du bois et ranima les tisons rose pâle du foyer, pour que sa chaleur accueille les filles quand elles se lèveraient.
    Comme tous les premiers-nés de sa lignée, Mattias était forgeron. Son but, aujourd’hui, était d’achever la fabrication d’une dague et cela l’emplissait de joie, car quel garçon, s’il le pouvait, ne fabriquerait pas de vraies armes ? Du cœur du foyer, il tira un brandon incandescent, sortit dans la cour ; l’air mordant emplit ses poumons et il s’arrêta. Le monde alentour était peint de noir et d’argent par la lune. Au-dessus de la crête des montagnes, des constellations tournaient dans leur sphère et il chercha leurs formes et les contempla à travers la buée de son souffle. La Vierge, Le Bouvier, Cassiopée. Plus bas sur les pentes, des stries brillantes marquaient la fourche du torrent et les pâturages flottaient dans la brume à l’orée des forêts. Dans la cour, la forge de son père se dressait comme un temple dédié à quelque prophète inconnu et la lumière des flammes qui jouaient sur ses pierres pâles promettait magie et merveilles, et la fabrication de choses que personne n’avait jamais faites.
    Comme son père Kristofer le lui avait appris, Mattias se signa devant le seuil et chuchota une prière à saint Jean. Kristofer était parti sur les routes, pour ferrer des chevaux et affûter des outils dans les fermes et les manoirs alentour. Serait-il en colère, à son retour, de voir que Mattias avait gaspillé trois jours de forge ? Alors qu’il aurait pu façonner des hameçons, une scie à bois ou une faux ? Non, pas si la lame était bonne. Si la lame était parfaite, son père serait fier. Mattias se signa et entra.
    La forge sentait le sabot de bœuf et le sel de mer, le mâchefer, le cheval et le charbon. Le pot à feu qu’il avait préparé la veille était prêt et le petit bois prit dès qu’il y enfonça son brandon incandescent. Il actionna les soufflets et enflamma le charbon de la veille, cajolant le feu, le construisant, jusqu’à ce que deux pouces d’épaisseur de charbon brûlent dans la tuyère. Il alluma la lampe, puis déterra sa lame des cendres dans lesquelles il l’avait enfouie pour la nuit.
    Il lui avait fallu deux jours pour redresser et durcir l’acier, six pouces pour la lame et quatre pour la soie. Des couteaux, il en avait déjà fait, mais c’était là sa première dague, et l’adresse requise était multipliée par la symétrie du double tranchant et la solidité obligée de l’arme. Il n’avait pas encore parfaitement réalisé la symétrie, mais les tranchants ne roulaient pas sous la lime. Il souffla sur la cendre, examina les surfaces et n’y trouva ni torsion ni gauchissement. Avec un linge humide, il nettoya la lame et travailla à adoucir ses deux faces à la pierre ponce. Puis il polit la lame à l’émeri et au beurre jusqu’à ce qu’elle luise d’un bleu sombre. Il était temps de tester son art de la trempe.
    Sur le lit de charbons ardents, il étala un quart de pouce de cendres, et posa la lame dessus, observant la couleur ramper à travers l’acier, qu’il retourna plusieurs fois pour que la chaleur demeure égale. Quand les deux tranchants prirent la couleur pâle de la paille fraîchement coupée, il retira la lame à l’aide des pinces et la

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