L'âme de la France
faire leur entrée.
54.
En un quart de siècle – 1880-1906 –, un modèle républicain français se constitue.
Des lois fondamentales sont votées, des forces politiques prennent forme, partis et syndicats structurent la vie sociale.
Profondes, les crises sont gérées pacifiquement, même si elles dressent encore les Français les uns contre les autres. La violence est certes présente, mais contenue.
Ainsi se fixent des traits majeurs de l'âme de la France qui se conserveront jusqu'aux années 40 du xx e siècle, au moment où l'« étrange défaite » de 1940, cette autre débâcle, entraînera la chute de la III e République et renverra aux pires souvenirs de 1870.
Mais, jusque-là, le bâti qui a été construit entre 1880 et 1906 tient.
D'ailleurs, les hommes politiques qui ont surgi dans les années 1890 occupent encore, pour les plus illustres d'entre eux – Poincaré (1860-1934), Barthou (1862-1934), Briand (1862-1932) –, des fonctions éminentes dans les années 30 du xx e siècle. Philippe Pétain (1856-1951) est un officier déjà quadragénaire en 1900. À cette date, Léon Blum (1872-1950) est un intellectuel d'une trentaine d'années engagé dans les combats de l'affaire Dreyfus. Le journal L'Humanité de Jaurès (1859-1914) est créé en 1904.
Pétain couvrira de son nom et de sa gloire de maréchal la capitulation de 1940, et on le qualifiera de nouveau Bazaine.
En 1936, Léon Blum sera le président du Conseil du Front populaire, et L'Humanité , le quotidien emblématique des communistes.
C'est dire que la III e République a su traverser le traumatisme de la Première Guerre mondiale (1914-1918), et, dans l'apparente continuité des institutions et des hommes, « digérer » les bouleversements des premières décennies du xx e siècle.
La Russie, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne sont submergées par le communisme, le fascisme, le nazisme, le franquisme. La France républicaine, elle, résiste aux révolutions et aux contre-révolutions.
Comme si elle était sortie définitivement, pour les avoir vécus jusqu'aux années 1870, de ces temps de guerre civile, et qu'elle avait construit au tournant du siècle, entre 1880 et 1906, un modèle adapté enfin à la nation.
On le constate en examinant les lois proposées par les républicains modérés. Elles sont à leur image – prudentes –, mais elles définissent les libertés républicaines, qui concernent aussi bien le droit de réunion, d'association, de création de syndicats, de publication, que l'élection des maires, mais aussi le droit au divorce.
Ces lois votées entre 1881 et 1884 expriment à la fois la résolution et l'opportunisme de leurs initiateurs. Elles créent un « État de droit ».
Elles sont l'affirmation d'une démocratie parlementaire qui suit une voie moyenne, « modérée ».
De ce fait, Gambetta est écarté après un court et grand ministère d'une dizaine de semaines (novembre 1881-janvier 1882). L'homme est considéré comme trop « avancé », à l'écoute des couches populaires. Son échec comme président du Conseil, alors qu'il est le « leader » le plus prestigieux des républicains, qu'il a animé les campagnes contre le second Empire, puis Mac-Mahon, est révélateur d'un trait du fonctionnement politique de cette III e République.
Puisque le président de la République, quelle que soit son influence, se tient en retrait dans une fonction de représentation et d'arbitrage, l'exécutif est dans la dépendance des majorités parlementaires. Celles-ci varient au gré des circonstances et des ambitions individuelles qui, déplaçant quelques dizaines de voix, font ainsi « tomber » les gouvernements.
Cette faiblesse de l'exécutif, cette instabilité ministérielle, seront, dès les origines, une tare du régime républicain, qui le caractérisera jusqu'à sa fin, en 1940. Si un gouvernement veut « durer », il doit « composer ».
Un Jules Ferry le dira clairement : « Le gouvernement est résolu à observer une méthode politique et parlementaire qui consiste à ne pas aborder toutes les questions à la fois, à limiter le champ des réformes..., à écarter les questions irritantes. »
Cependant, Ferry est l'un des initiateurs majeurs de ce « modèle républicain ».
Ses lois scolaires (1882-1886) introduisent la laïcité aux côtés de l'obligation et de la gratuité de l'instruction publique.
Elles créent un
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