L'âme de la France
suffit de la rencontre d'un mendiant, mauvais présage, et du choc bruyant d'une lance sur un casque pour que Charles VI bascule dans la démence.
Ce roi fou, Charles VI, qui dans ses périodes de lucidité sombre dans la dépression ou est influencé – manœuvré – par son entourage, va « régner » ainsi entre démence et prostration trente ans durant.
Le royaume de France s'enfonce dans l'abîme parce que son roi a sombré dans la folie et que les grands s'entre-déchirent, peu soucieux du sort du royaume.
Ce pays commence à découvrir un trait majeur de son histoire : qu'il pourrit toujours par la tête. C'est le cas avec la guerre civile entre le frère du roi, Louis d'Orléans, et son fils, Charles d'Orléans, marié à la fille du comte d'Armagnac, d'une part, et, de l'autre, Philippe de Bourgogne et son fils Jean sans Peur.
Ces deux factions – Armagnacs et Bourguignons – sont les deux fauteurs de guerre civile. Assassinats et massacres, utilisation des éléments les plus violents du peuple, sont de règle.
Jean sans Peur, le Bourguignon, fait assassiner en 1407 Louis d'Orléans, frère du roi, l'Armagnac. Dès lors, les Bourguignons traquent dans Paris tous les Armagnacs.
« On n'avait pas plus de pitié à tuer ces gens-là que des chiens : c'est un Armagnac. »
Les Bourguignons contrôlent le roi fou, s'appuient sur de « méchantes gens, tripiers, bouchers et écorcheurs, pelletiers, couturiers et autres pauvres gens de très bas état faisant de très inhumaines, détestables et très déshonnêtes besognes ».
L'un d'eux est Simon Caboche (1413), qui, avec les siens – les cabochiens –, fait régner la terreur dans Paris. Le monarque est terré dans sa folie. On impose une « ordonnance cabochienne », mais l'anarchie qui s'installe, les meurtres qui se multiplient, isolent les Bourguignons et poussent les marchands, la bourgeoisie parisienne, à changer de camp. Jean sans Peur quitte Paris, qui devient Armagnac avec Charles d'Orléans.
Que fait le camp perdant dans une guerre civile ? Il devient le parti de l'étranger. Le prince bourguignon s'allie alors avec l'Anglais.
Une pratique française se confirme : la division au sommet de l'État provoque la crise du royaume et la guerre civile dont l'étranger tire profit.
Le nouveau roi d'Angleterre, Henri V, est un souverain remarquable, grand chef de guerre, fin politique et homme pieux. Il entend se réapproprier l'héritage des Plantagenêts.
Son armée débarque en Normandie, gagne les pays de la Somme.
Les chevaliers français sont entassés sur le plateau d'Azincourt. Le sol est boueux, ce 25 octobre 1415. L'armure pèse au moins vingt kilos. Si l'on tombe à terre, on ne peut se relever. Alors on charge les archers anglais sans attendre qu'arrive la piétaille des gens d'armes. Les chevaux se heurtent, renversent leurs cavaliers, qu'il ne reste plus aux Anglais qu'à égorger, car Henri V a ordonné qu'on ne fasse prisonniers que les grands et qu'on tue tous les autres.
Ils seront trois mille chevaliers, barons, baillis, grands officiers de l'administration du royaume à être ainsi massacrés.
Charles d'Orléans, prisonnier, est transféré en Angleterre, où, de prison en prison, il passera vingt-cinq années à se morfondre et à rimer :
En regardant vers le pays de France
Un jour advint à Douvres sur la mer
Qu'il me souvint du doux plaisir
Qu'en ce pays je trouvais
Et mon cœur commença à soupirer
Mais à mon cœur amer
Voir la France faisait grand bien.
Cette nostalgie charnelle du royaume perdu, cette souffrance et cette humiliation, il n'est pas besoin d'être prisonnier en Angleterre pour les ressentir.
On souffre de la guerre civile : les Bourguignons massacrent encore les Armagnacs à Paris en 1418 ; Jean sans Peur le Bourguignon est assassiné à Montereau le 10 avril 1419 – est ainsi vengé Louis d'Orléans, qu'il avait fait tuer le 23 novembre 1407.
On souffre de l'avancée des troupes anglaises, armée d'occupation qui prend possession sans ménagements du royaume de son roi, imposant à Rouen un siège impitoyable, remontant la Seine : « Les Anglais font autant de mal que les Sarrasins. » Mais on en veut aussi au Dauphin Charles, devenu lieutenant général du royaume en 1417.
On désire la paix.
On approuve donc le traité de Troyes (20 mai 1420). Henri V de Lancastre épouse la fille de Charles VI et devient, de fait, fils et héritier du roi de
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