L'âme de la France
et vous tous, Messieurs les militaires...
« Jeanne d'Arc est là pour vous dire qu'il y a toujours quelque chose de mieux à faire que de ne rien faire...
« Cette Pucelle et cette patronne et cette conductrice au plus profond de la France arrachée par l'aspiration du Saint-Esprit... »
On peut refuser cette vision mystique de « sainte Jeanne » et de la France qu'exprime Paul Claudel, mais, après son « passage » – « Cette flamme déracinée du bûcher ! elle monte ! » –, tout change. Comme si le patriotisme populaire et la foi qu'il exprime obligeaient les « élites » à constituer ce « parti français » qui fait de l'Anglais l'ennemi dans tout le royaume, et Charles VII, sacré à Reims, le seul roi de France.
Une paix est conclue entre Bourguignons et Armagnacs (Arras, 1435). Charles VII entre le 12 novembre 1437 dans un Paris ruiné où errent les loups, mais c'est sa capitale. Elle est à l'image d'un royaume dévasté, parcouru par les Grandes Compagnies. Les campagnes sont vides d'habitants ; de rares paysans affamés y sont guettés par les « écorcheurs », les routiers en maraude, ou frappés par les retours de la peste noire (ainsi en 1438).
De tout le royaume monte vers le roi le désir de le voir agir.
« Il faut que vous vous éveilliez, car nous n'en pouvons plus », lui lance Jean Juvénal des Ursins.
Charles VII acquiert de la détermination. Il se montre combatif et volontaire. Il affiche ses maîtresses – Agnès Sorel –, et le Dauphin Louis supporte mal cette autorité nouvelle. Le futur Louis XI s'éloignera de ce père devenu, pour les vingt dernières années de son règne, un vrai roi de France.
Charles VII réforme. Par les ordonnances de mai 1445, à partir de ces routiers, de ces écorcheurs, de ces soldats désœuvrés entre deux batailles, il crée une armée soldée par le Trésor royal et donc permanente. Ces « Compagnies de l'Ordonnance du Roi » sont logées en forteresse ou chez l'habitant, et complétées par des « francs archers » à raison d'un par cinquante feux. Le franc archer, dispensé d'impôts, doit s'entraîner au tir à l'arc ou à l'arbalète.
Le roi tire enfin la leçon des défaites de la chevalerie française en créant cette « infanterie à l'anglaise ».
Pontoise (1441), Le Mans (1448), Rouen, Caen, Cherbourg (1449) sont reconquises. Et, avec ces villes, le prestige royal.
L'entrée de Charles VII à Rouen est solennelle. Ce 10 novembre 1449, il est accueilli par l'archevêque Raoul Roussel, par les évêques qui furent les acteurs du procès de Jeanne d'Arc et par les témoins de son supplice.
Mais, après avoir été les alliés intimes des Anglais, les dignitaires s'inclinent désormais devant Charles VII, qui avance sous un dais, précédé par un cheval portant le sceau aux trois lis.
La fonction royale est séparée du corps du roi.
La victoire de Castillon, en Guyenne – le 17 juillet 1453 –, clôt la guerre de Cent Ans.
Trois cents bouches à feu ont écrasé la chevalerie et l'infanterie anglaises dans cette Aquitaine liée à l'Angleterre depuis trois siècles.
Tant de batailles perdues sont ainsi vengées.
Le pouvoir a toujours besoin de gloire. Dans l'histoire nationale, depuis les origines, ce sont les glaives et les armées qui l'ont apportée.
Le chevalier, le soldat – et le clerc – sont en France, plus que les marchands, faiseurs de prestige. L'argent, le commerce, plient devant le pouvoir. Et Charles VII fait emprisonner Jacques Cœur (1451), grand argentier et grand marchand. L'argent n'est jamais une fin, pour un roi de France, au contraire de la gloire.
Ce n'est qu'un indispensable moyen.
Quand, le 22 juillet 1461, Charles VII s'éteint, le royaume de France a recouvré une part de sa puissance, de sa gloire et de sa richesse.
Est-ce par une attention de la Providence ?
Celui qui n'avait jamais été qu'un « gentil Dauphin », Charles VII, est devenu, grâce à Jeanne la Pucelle, grâce à tous les Français, attachés à leur nation, et aux conseillers qui l'ont à sa Cour assisté, Charles VII le Bien servi.
17.
« Je suis France », dit Louis XI.
Il vient enfin, à trente-huit ans, de succéder à son père, Charles le Bien servi.
Voilà près de vingt ans qu'il attend, plein d'impatience et même de rage. Il a quitté le royaume de France pour se réfugier chez le Bourguignon, Philippe le Bon. Il a conspiré contre son
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