Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'assassin de Sherwood

L'assassin de Sherwood

Titel: L'assassin de Sherwood Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
pêche et à la chevelure d’or, avait été sauvagement battue à mort dans la chambre qu’elle louait à La Lune d’Argent, rendez-vous favori des clercs de la Chancellerie de Philippe le Bel.
    La sanglante partie d’échecs ne cessait jamais : pion contre pion, cavalier contre cavalier. L’enjeu ? Savoir. Savoir quand Philippe le Bel donnerait l’ordre d’avancer à ses compagnies, savoir où elles attaqueraient en Flandre... Si Édouard d’Angleterre l’apprenait, il en informerait ses alliés flamands qui masseraient alors leurs troupes pour contrer l’avance ennemie, mais si Philippe gardait l’avantage de la surprise, les Français ne rencontreraient aucun obstacle.
    Officiellement, cependant, Édouard I er et Philippe IV étaient les meilleurs amis du monde, les alliés les plus proches, même. Édouard avait pris pour épouse la soeur de Philippe, Marguerite {3} à la chevelure argentée, tandis que son fils, le prince de Galles {4} , allait être fiancé à Isabelle {5} , fille unique de Philippe. La cour de France avait offert à Édouard une paire de précieux gants en soie, aux manchettes incrustées de pierreries. Le roi d’Angleterre avait retourné le compliment en envoyant un livre d’heures dont chaque page s’avérait un somptueux chatoiement de couleurs. Philippe appelait Édouard « Mon cher cousin » ; Édouard répondait en renouvelant à « son cher frère en Christ » ses saluts les plus affectueux. Et pourtant, dans les moindres venelles et bouges malodorants, les deux monarques s’affrontaient en un combat sournois et implacable.
    À La Fleur de Lys, sise à l’angle de la rue des Capucins, Ranulf-atte-Newgate, serviteur de Corbett et envoyé – ostensiblement officieux – d’Édouard à la cour de France, conversait avec Bardolph Rushgate dans un coin de la salle. Jeune homme au vague lignage et au passé nébuleux, Bardolph, malgré son air enfantin et ses boucles d’or, était un éternel étudiant à qui l’Échiquier avançait des fonds pour fréquenter plus d’une université. Sa mission ne consistait pas à préparer les examens, ni à étudier les mystères du quadrivium {6} , mais à récolter des renseignements pour ses maîtres, Pour l’instant, adossé au mur, paupières closes, il feignait l’ébriété. Ranulf, lui aussi, semblait avoir bu plus que de raison : sa tignasse rousse était ébouriffée, ses yeux à demi fermés, sa bouche entrouverte, et il s’était même passé de la craie sur le visage pour accentuer sa pâleur. Bref, ils avaient l’air de deux Anglais à qui les vins corsés de Paris ne réussissaient guère.
    — Croyez-vous que la fille saura se tirer d’affaire ? murmura Bardolph.
    — Je l’espère !
    — Combien sont-ils maintenant ?
    Ranulf parcourut du regard la salle bruyante à l’air vicié et aperçut le groupe de vendeurs de reliques qui paraissaient plus désireux de les épier, eux, que de vendre leur pacotille. D’ailleurs, leurs boîtes s’entassaient sur le sol, près d’eux.
    — Combien ? répéta Bardolph.
    — Six.
    Ranulf sentit son estomac se nouer lorsqu’il glissa la main sous la table pour s’assurer de la présence réconfortante de son fin poignard gallois, passé à la ceinture, et de sa dague dissimulée dans la haute tige de sa botte de cavalier. Il tâta à nouveau le sac de cuir contenant une petite arbalète et des carreaux.
    Au-dessus d’eux, dans l’un des réduits exigus que le tavernier qualifiait pompeusement de « chambre », Clothilde, une ribaude aux formes appétissantes, à la peau aussi mate et lisse qu’un grain de raisin, mettait tout son coeur à l’ouvrage. Elle se trémoussait d’un bord à l’autre du vieux lit à baldaquin tout défoncé, refermant l’étau de ses bras autour de Henri de Savigny, clerc de la Chancellerie, au service du Code. Cela faisait des jours que Ranulf tenait ce dernier au bout de son hameçon. Le Français, lubrique comme un bouc, n’en croyait pas sa bonne fortune : cette courtisane de haut rang avait finalement accepté ses avances. Mais Savigny n’était pas un sot. Il savait parfaitement quel prix elle exigeait : une copie du Code qu’avait transmis le roi Philippe à ses connétables de la frontière nord.
    Le clerc avait refusé au début. Il avait même menacé d’aller tout révéler à Nogaret. Mais Bardolph Rushgate l’avait détourné de ce projet : cette déclaration n’aurait-elle pas été un demi-aveu ?

Weitere Kostenlose Bücher