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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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lieux, et il n’aurait plus aucune chance de s’en sortir indemne. Les généraux américains n’étendraient pas leur générosité jusqu’aux derniers tireurs allemands.
    Puis les Américains s’arrêtèrent. Ils étaient encore à une soixantaine de mètres, mais, à cause d’une légère courbure de la route, ils se trouvaient exactement en face du petit tertre derrière lequel Christian était allongé. Ils parlaient très fort. En fait, l’un des Américains criait, et Christian pouvait même entendre ce qu’il disait. « Des êtres humains ! » répétait l’Américain, très fort. Inexplicablement.
    Christian les observait froidement. Chez eux et tellement à l’aise sur le sol allemand ! Petite promenade dans les bois. Discourant en anglais au cœur de la Bavière. Imaginant déjà, sans doute, les étés dans les Alpes, couchant dans les hôtels touristiques avec les filles du pays, et il n’en manquerait certainement pas. Des Américains bien nourris. Et jeunes. Pas de Volkssturm, chez les Américains. Tous jeunes, tous en bonne condition physique, avec de bons souliers, de bons vêtements, une nourriture scientifique, une aviation, des ambulances à essence et nullement tourmentés par la nécessité de découvrir à quel ennemi il valait mieux se rendre… Et retournant, après la guerre, à cette nation grasse, chargés de « souvenirs », casques d’Allemands morts, Croix de Fer arrachées à des poitrines mortes, tableaux volés aux murs des maisons bombardées, photographies des fiancées d’Allemands morts… Retournant à cette nation qui jamais n’avait entendu tirer un coup de feu, dans laquelle aucun mur n’avait tremblé, aucune vitre n’avait été fracassée…
    Cette nation grasse, intouchée, intouchable…
    Christian sentit ses lèvres se tordre en une grimace de dégoût. Il leva lentement son fusil. « Deux de plus, pensa-t-il, pourquoi pas ? » La grimace se transforma en sourire. Il se mit à fredonner en visant le plus petit, celui qui braillait. « Tu ne brailleras pas si fort dans un instant, mon ami », pensa-t-il, le doigt sur la détente, se souvenant, soudain, que Hardenburg avait fredonné, lui aussi, dans des circonstances analogues, en Afrique, avant d’anéantir le convoi britannique à l’heure du petit déjeuner. Le fait d’avoir brusquement retrouvé ce souvenir l’amusa. Juste avant de presser la détente, il envisagea une fois encore la possibilité de la présence, dans les environs, d’autres Américains, qui pourraient entendre les coups de feu, le trouveraient, le tueraient. Il hésita un instant. Puis il secoua la tête et loucha sur son point de mire. « Au diable, pensa-t-il, ça en vaut la peine… »
    Il fit feu. Il tira deux balles. Puis le fusil s’enraya. Il savait qu’il avait touché l’un de ces deux salauds. Mais, lorsqu’il releva la tête après avoir difficilement éjecté la cartouche coincée, les deux hommes avaient disparu. Il avait vu l’un d’eux commencer à tomber, mais il n’y avait plus rien, sur la route, que le fusil arraché aux mains d’un des Américains. Le fusil gisait au milieu de la route, bleu foncé, avec un point lumineux de soleil réfléchi, près du canon.
    « Un bel exemple de travail mal fait », pensa Christian, dégoûté. Il tendit l’oreille, mais rien ne bougeait plus sur la route, ni dans la forêt. Les deux Américains avaient été seuls, décida-t-il… Et, maintenant, il n’en restait plus qu’un, il en était sûr. Ou si celui qu’il avait touché était encore vivant, il n’était pas en état de se mouvoir…
    En attendant, il fallait, lui, qu’il se meuve ! L’Américain n’en aurait pas pour longtemps à déterminer la direction générale de laquelle étaient venus les coups de feu. Il passerait à la contre-attaque, à moins, bien sûr, qu’il ne s’en abstienne… Christian était persuadé qu’il s’en abstiendrait. Ce n’était pas le genre des Américains. Leur genre, c’était d’attendre l’aviation, les tanks, l’artillerie. Et pour une fois, dans la forêt silencieuse, il n’y aurait pas de tanks, pas d’artillerie à appeler à la rescousse. Rien qu’un homme, avec un fusil… Christian était convaincu qu’un seul homme se retirerait sans combattre, surtout maintenant, alors que la guerre était presque finie et qu’il était vraiment un peu tard pour faire preuve d’héroïsme. Si l’homme que Christian avait touché était mort

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