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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Les
grattements recommencèrent, suivis par un affreux couinement et un gros rat
noir à l'épaisse fourrure jaillit de l'ombre et roula sur le flanc en battant
l'air de ses pattes. On l'avait empoisonné.
    Je revins vers
le plateau. Le pain et le fromage étaient encore couverts. Je les examinai tous
les deux mais ne pus rien détecter de suspect. La potée de viande aux légumes
était froide. Je humai le bol et reconnus sur-le-champ une ancienne
connaissance : la magnifique et luisante aconit pourpre. Le parfum de ses
baies rouges dissimule le plus mortel des poisons, surtout le jus que l'on
extrait des racines et des graines. Si on en absorbe, l'aconit érode les
organes du ventre comme une râpe d'acier aiguisée. Maître Rahomer — je
ne doutais pas que ce fût lui — avait bien choisi. Que pouvais-je
faire ? Je ne suis pas un de ces braillards au nez camus qui hantent les
caniveaux de Londres. Mon adversaire avait l'âme étroite comme un cercueil,
noire de méchanceté, et une conscience aussi inflexible que le fer. Il voulait
me tuer, mais auprès de qui pouvais-je quérir du secours ? Qui me
défendrait ?
    Ce soir-là,
avant vêpres, je me rendis subrepticement à la loge. Rahomer, sur la saillie,
se curait les dents. Sa surprise et sa consternation lorsque je surgis tout
d'un coup furent à la fois son juge et son jury. J'expliquai en bredouillant à
quel point je me sentais mal. Rahomer sourit, acquiesça, compréhensif, et
ajouta que peut-être je ferais mieux de me retirer. Ce que je fis, mais je ne
partis pourtant pas dans ma cellule. Je retournai près du tombeau d'Isabelle.
Penchée sur les statues ciselées sur le côté, j'exposai à voix basse mes terreurs
et mes craintes. Je ne redoute pas la mort, mais je dois me confesser avant de
trépasser. Tapie dans l'ombre, j'attendis la réponse. Elle vint et la voix
d'Isabelle résonna dans mon âme.
    — Mathilde, ma petite *, je ne peux vous défendre à présent. Personne ne le peut,
sauf vous. Cet homme vous tuera, alors frappez la première, et frappez dur !
    J'allai au
cimetière et récoltai sur un if les tendres aiguilles charnues et les
brillantes baies rouges. J'en fis une pâte. Le lendemain matin je me rendis
près de la porterie du prieuré et achetai un bol de friandises à un boulanger
qui apportait un plateau à une taverne voisine. Je mélangeai la pâte d'if aux
douceurs et laissai le bol sur la saillie de la loge comme si c'était
l'offrande d'un visiteur ou d'un pèlerin. Rahomer l'avala avant none. Il fut
malade avant vêpres et mourut le lendemain avant matines. Sic transit gloria
mundi  — ainsi passe la gloire du monde. Pour tous, Rahomer périt
d'une brusque maladie, d'un soudain arrêt du cœur. On habilla son cadavre pour
l'enterrement et on le plaça sous un drap pourpre sur les tréteaux funéraires
devant le grand jubé. Le père prieur chanta le requiem et prononça ce sermon.
Je l'écoutai, tout ouïe, et aidai à porter le cadavre de Rahomer pour qu'on
l'ensevelisse dans l'arpent des indigents. Un jour, je l'y rejoindrai, mais
selon le bon vouloir de Dieu, non selon celui du roi. Je me demandai si je
prierais le père prieur d'envoyer une copie de son homélie à la Cour, mais
décidai de m'en abstenir. Ne jetons pas des perles aux cochons !
    Trois jours plus
tard, le père prieur me convoqua dans sa chambre lambrissée. Tout en sentant
sur moi le regard des têtes d'anges, de saints, de démons, qui me fixaient
depuis les tableaux, fresques et triptyques qui décoraient son appartement, je
pris place sur un tabouret pliant. Le supérieur était assis sur un coussiège,
égrenant son chapelet. Il avait l'air plutôt jeune et était, sans nul doute, un
homme honnête. Moi, Mathilde de Westminster, j'ai, comme dit le vieil adage, « vécu
avec les loups et appris à hurler ». Je sais en reconnaître un quand j'en
vois un ! Mais le prieur était un bon berger ; il s'inquiétait
vraiment pour moi. Il fit allusion avec prudence à la mort subite de maître
Rahomer. Je me levai, m'approchai de lui et lui posai les doigts sur les
lèvres. Il eut l'air ahuri.
    — De grâce,
mon père, ne parlez pas de lui, le priai-je. Ce que vous ignorez ne peut vous
nuire.
    Il écarta ma
main avec douceur.
    — Soyez
prudente, Mathilde. Demain, jour de la Saint-Denis d'Alexandrie, maître
Theobald, Advocatus Regis , l'un des plus retors légistes du souverain,
prêtre de la chapelle royale, viendra vous interroger.
    Je

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