Le Fils de Pardaillan
s’était servi du nom de Pardaillan et de ces papiers pour l’attirer dans un guet-apens. On avait menti en invoquant le nom de Pardaillan. Cependant, si on avait parlé des papiers, c’est qu’on connaissait leur existence. Depuis quand ? Depuis très peu de temps, c’était évident. Forcément, elle devait penser qu’on avait fouillé dans ses affaires, après son enlèvement. C’est ce qu’elle pensa, en effet.
La cause de son emprisonnement apparaissait dès lors très claire, sans qu’il fût besoin d’être doué d’une perspicacité exceptionnelle : des prêtres avaient fouillé dans ses papiers. Ils y avaient trouvé les indications qu’ils cherchaient depuis de longues années. Ils en avaient fait leur profit, cela ne souffrait aucun doute. On avait craint qu’elle ne fût en état de nuire aux détrousseurs. On n’avait pas hésité : on l’avait enlevée et on la séquestrait… le temps d’enlever les millions.
– Reste à savoir s’ils ont découvert les vraies indications, songea-t-elle. Mais comment le savoir ?
Elle devait trouver des renseignements sans les chercher. La religieuse converse qui lui servait de servante (et un peu aussi de geôlière) ne put se tenir de lui apprendre qu’on effectuait des fouilles à la chapelle.
– On pense découvrir ainsi, dit-elle, la chapelle souterraine de saint Denis. Ah ! nous allons avoir de beaux pèlerinages. Notre communauté va retrouver sa vogue d’autrefois.
Bertille était fixée. On avait pris les papiers chez elle, mais on n’avait pas trouvé le bon… puisque les recherches s’égaraient à côté. Si elle était fixée, elle était aussi inquiète :
– Tant que les travaux dureront, je n’ai rien à redouter, se dit-elle. On n’a aucun intérêt à me maltraiter. Au contraire… Mais quand ils seront arrivés au bout… Quand ils verront qu’il n’y a rien… que les indications étaient un leurre. C’est sur moi qu’ils se rabattront… Ils voudront me faire parler, c’est certain !… Alors, qui sait à quelles extrémités ils se livreront pour arriver à leurs fins ?…
Elle ne put réprimer un frisson à cette pensée. Mais, on l’a déjà vu, elle était forte et vaillante. Elle réfléchit que des fouilles dureraient pour le moins deux mois. Et avec cette confiance inébranlable qu’elle avait en son amour, elle se dit :
– D’ici là, il m’aura trouvée et délivrée.
En attendant, on était aux petits soins pour elle. Réellement, on s’efforçait de lui rendre supportable son séjour forcé au couvent. Elle se sentait surveillée, certes, et mettait de la discrétion. La sœur qui la servait se retirait dès son service fini et la laissait seule, libre d’aller et de venir ou de rester chez elle à rêver.
Une semaine passa.
Comme elle était démunie de tout, l’abbesse avait eu l’attention de lui envoyer le linge et les vêtements nécessaires. Après le linge, elle envoya sa lavandière pour le blanchir. Cette lavandière, c’était Perrette la Jolie.
Si on s’étonne de voir une blanchisseuse laïque dans un couvent, où d’ordinaire tous les travaux sont effectués par la communauté, nous rappellerons qu’un couvent, à cette époque, ne ressemblait en rien à un couvent moderne. Une abbaye était comme une seigneurie. Un abbé ou une abbesse était un seigneur ou une grande dame.
Jamais des femmes jeunes, jolies et élégantes, comme Marie de Beauvilliers et quelques-unes de ses religieuses, n’auraient consenti à confier leurs fins et luxueux dessous à une converse, bonne ouvrière certes, mais peu au courant des variations de la mode. Car la mode intervient même dans la façon de plisser, tuyauter et empeser les fanfreluches.
Grâce aux dix-huit cents livres généreusement données par Gringaille, Carcagne et Escargasse, Perrette venait de s’établir. Avec son petit air sérieux, sa mise décente et même élégante, c’était une charmeuse que cette Perrette. Avec cela un tact parfait et ouvrière accomplie. Il lui suffisait de se présenter quelque part pour être bien accueillie. Et comme son travail était irréprochable, elle se constituait rapidement une belle clientèle.
Perrette, lorsqu’elle était entrée chez Bertille, avait avec elle une ouvrière robuste, chargée d’emporter les lourds paquets de linge.
Bertille était douce et très simple. Elle n’avait aucun de ces préjugés qui faisaient que les gens de qualité se montraient
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