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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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cercle d’une trentaine de capucins, riant à gorges déployées, entoura le moine-bouffon qui n’avait encore rien dit.
    Brusquement, Parfait Goulard s’arrêta de rire et dit gravement :
    – J’ai soif !
    Et il crachota péniblement pour montrer qu’il n’avait plus de salive dans la bouche. Et les éclats de rire redoublèrent autour de lui… D’autant qu’il avait ponctué ces deux mots par une grêle de gestes désordonnés, d’un comique irrésistible.
    Mais comme personne ne faisait mine de le conduire au réfectoire, il répéta :
    – J’ai soif ! et ajouta : j’ai faim !
    Et comme il avait remarqué que ses gestes avaient particulièrement amusé les religieux, il eut soin de les renouveler en les amplifiant. Et les éclats de rire redoublèrent.
    Alors un des capucins s’approcha et lui dit :
    – M’est avis, mon frère, que vous avez plutôt besoin d’un lit.
    Avec l’obstination de l’ivresse, Goulard répondit :
    – J’ai soif… j’ai faim… je dormirai après.
    Le capucin qui venait de parler jouissait, paraît-il, d’une certaine autorité, car il dit quelques paroles à voix basse, et les moines, non sans grommeler, avec des mines désappointées, s’éloignèrent lentement, à regret. Alors, il prit l’ivrogne par le bras et l’entraîna doucement en disant :
    – Venez, vous aurez à boire et à manger.
    Le capucin conduisit l’ivrogne, qui se laissait faire complaisamment. En montant les marches d’un escalier de pierre, le moine trébucha, se raccrocha à son guide, et dans ce mouvement, sa main esquissa un signe bizarre dans l’air.
    Une lueur d’étonnement passa dans l’œil du capucin, et tout en soutenant l’ivrogne, il demanda à voix basse, avec une nuance de respect qu’il n’avait pas eue jusque-là :
    – Où désirez-vous que je vous conduise ?
    Un mot à peine perceptible tomba de la bouche de Goulard et les deux moines, l’un soutenant l’autre, reprirent leur marche. Le capucin ouvrit la porte d’une cellule, fit entrer l’ivrogne et poussa la porte derrière lui.
    Alors, frère Parfait Goulard lâcha le bras du capucin après lequel il se cramponnait. Et il se tint seul, droit et ferme, la tête haute, méconnaissable.
    Le nouveau Parfait Goulard qui, dans la pénombre de cette cellule mal éclairée, apparaissait aux yeux stupéfaits du capucin, avait une mine sérieuse, remarquablement intelligente, qui ne rappelait en rien le masque béat du ruminant stupide qu’il avait encore l’instant d’avant. Ses lèvres, fendues par un large sourire, pincées maintenant, son front, sillonné par les petites rides de son rire perpétuel, barré par un pli profond, qui marquait la réflexion, ses yeux pétillants, à demi fermés, grand ouverts, fixes, froids, durs.
    Il se redressa devant le capucin et esquissa quelques nouveaux signes dans l’air. Et le capucin se courba dans une attitude de profond respect et murmura :
    – Vos ordres, mon père !
    Et sur un ton d’irrésistible autorité, Goulard ordonna :
    – J’ai besoin de repos. Vous veillerez à ce que nul indiscret n’approche cette porte. Vous viendrez me réveiller vous-même à trois heures. Vous aurez oublié alors et vous oublierez jusqu’à nouvel ordre, que je suis votre supérieur. Je serai redevenu pour vous, comme pour tout le monde, frère Parfait Goulard. Vous avez compris ?
    – Vos ordres seront ponctuellement exécutés, mon père, fit humblement le capucin.
    – C’est bon, allez, mon fils.
    Le capucin parti, le moine qui prétendait avoir besoin de repos, au lieu de se coucher, resta un long moment l’oreille tendue. Quand il jugea que le capucin devait être loin, il s’approcha de la cloison et frappa quatre coups, irrégulièrement espacés. Et il écouta. Quatre coups pareils répondirent de l’autre côté de la cloison.
    Sans même jeter un coup d’œil à l’étroite couchette, Goulard entrouvrit doucement la porte, coula un regard investigateur dans le couloir désert, se glissa hors de la cellule et entra dans une chambre assez spacieuse et confortablement meublée.
    Deux moines s’y trouvaient déjà.
    De ces deux religieux, l’un était un vieillard à figure ascétique, empreinte d’une grande douceur. Dans le fauteuil où il était assis, il se tenait le torse droit, dans une attitude de force et de souveraine majesté.
    L’autre, qui se tenait respectueusement debout, le dos tourné à la porte, était petit, maigre,

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