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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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regard où luisait une vague lueur d’attendrissement. Ce fut d’ailleurs rapide comme un éclair. Il reprit aussitôt cet air de calme souverain qui paraissait lui être habituel. Il redressa encore son buste, releva la tête et continua :
    – Moi-même, Claude Acquaviva, chef suprême, général de l’ordre, un des continuateurs du très saint et très vénéré Loyola, que suis-je ici ?… Le père Claudio, humble, pauvre et bien obscur moine italien, inconnu de tous, hospitalisé charitablement dans ce couvent sur votre recommandation. Père Claudio, à qui on n’accorde que de la déférence due à son grand âge et qui s’en contente, qui se contenterait même de moins… parce que les intérêts de son ordre exigent qu’il en soit ainsi.
    Acquaviva se leva. Et il apparut grand, un peu maigre, droit, malgré ses soixante-sept ans sonnés et, fixant son œil doux sur le père Joseph, qui écoutait avec un vif intérêt :
    – Je vous le demande, père Joseph, connaissez-vous un ordre religieux dont les chefs seraient capables de donner à la communauté de semblables preuves de dévouement et d’abnégation ?… Non ! Il n’y en a pas un seul. Partout, vous verrez l’intérêt personnel, les ambitions individuelles primer l’intérêt et les ambitions de l’ordre. Aussi quel résultat est le leur ? Néant. De l’or, oui, quelques titres, par-ci par-là… niaiseries, futilités.
    Il se promena lentement dans la chambre, de long en large, la tête penchée, l’air rêveur, et pensa à voix haute :
    – Oui, cet esprit de sacrifice, cette discipline de fer, qu’on ne voit nulle part, c’est ce qui fait notre force !… Partout ailleurs, les intelligences cherchent à se produire, à briller, à s’éclipser mutuellement. Chacune de ces intelligences est une volonté et chaque volonté tend, uniquement, à la satisfaction d’un but personnel… Chez nous, il n’en est pas ainsi. Des milliers et des milliers d’intelligences et de volontés se fondent en une seule et unique intelligence, une seule volonté : celle du général. Les corps, les cerveaux et les consciences, lui seul, il dirige tout, il anime tout de son souffle. Par la seule exécution de ses ordres, une intelligence médiocre apparaîtra au grand jour comme une intelligence supérieure et brillera d’un vif éclat. Une haute et belle intelligence, au contraire, demeurera insoupçonnée, s’il a jugé utile qu’il en soit ainsi. Mais, dans l’ombre comme sous l’éclatant soleil, ces deux intelligences n’évolueront que sous l’impulsion du chef suprême et par conséquent ne viseront et n’atteindront que le but qu’il aura visé pour la plus grande gloire de Dieu. Et c’est pourquoi notre société, traquée, persécutée, honnie, bannie, demeure immuablement debout, se redresse plus grande et plus forte à l’instant précis où l’on croit l’avoir abattue. Il s’arrêta devant le père Joseph et le fouillant d’un regard acéré :
    – Vous qui êtes un cerveau puissant, vous qui – vous avez eu le courage de le dire et je vous en loue – êtes un dominateur, un conducteur d’hommes, vous qui sentez gronder en vous des ambitions démesurées, vous qui rêvez de vous griser de la jouissance que donne le pouvoir, que faites-vous ici, chez les capucins ? Qu’espérez-vous ?
    Il prit un temps et continua d’une voix qui se fit âpre :
    – Vous serez prieur de ce couvent, général de votre ordre qui est riche, je le sais. Et après ?… Vous voudrez la pourpre : vous serez cardinal… Vous vous mêlerez des affaires de l’Etat. Vous serez Premier ministre… vous serez tout-puissant, tout se courbera devant vous. Voilà ce que vous rêvez ?… Ce n’est pas le pouvoir lui-même, c’est sa pompe, son éclat, son prestige qui vous fascinent.
    Il le considéra avec une moue un peu dédaigneuse, et de sa voix redevenue douce :
    – Enfant !… Ecoutez. Je suis un pauvre moine, un faible vieillard courbé sur la tombe où le moindre souffle peut me précipiter ; je ne compte pas, je n’existe pas, je ne suis rien… Mais je suis général de la société de Jésus !…
    Il se redressa de toute la hauteur de sa taille, ses traits prirent une expression d’indicible majesté, son regard, habituellement doux, se fit dur, impérieux, et sans élever la voix :
    – Et alors : l’Espagne m’appartient, l’Italie m’appartient, le pape tremble devant moi, la France est à moi… oui,

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