Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
nuit le Gravere [5] avec le comte de Sault à la tête d’un
régiment.
    — Oui, mais le comte, seul, le commandait. J’étais le
truchement du guide italien. Et je n’ai affronté alors d’autre danger que la
neige et le froid.
    — Monsieur, vous avez toujours raison !
    — Mais vous aussi, Madame, et c’est là que gît
justement le difficile : qui pourra dire lequel des deux a davantage
raison que l’autre ?
    — Monsieur, vous me daubez !
    — Madame, je vous adore !
    Et, la prenant dans mes bras, je la serrai contre mon cœur,
argument plus convaincant pour elle, et pour moi plus délicieux, et d’autant
qu’il ne pouvait que clore tous les discours du monde et sécher les larmes.
Toutefois, en montant dans ma carrosse, l’idée de notre proche séparation
m’attrista et me poignit plus que je ne saurais dire, et la pensée aussi qu’à
mon réveil, pendant les semaines et peut-être les mois qui allaient suivre, je
ne trouverais plus à mon côté la douceur et la chaleur de son corps.
    Au Louvre, je trouvai dans l’antichambre du cardinal,
Monsieur de Guron et Monsieur de Bouthillier [6] attendant leur tour comme j’allais l’attendre moi-même. Je m’apensai en mon for
qu’en toute probabilité, lorsque l’heure de la repue de midi serait passée de
longtemps, je pourrais alors seulement rejoindre ma demeure. Je dépêchai
aussitôt Nicolas prévenir Catherine de ce probable retard, ce qui plut beaucoup
à Nicolas, car cela voulait dire qu’il allait retrouver plus vite en mon hôtel
sa charmante épouse, mais en revanche déplut fort à mon escorte qui allait
transpirer pendant deux heures, le ventre creux, sous le soleil déjà chaud du
mois de mai.
    Le lecteur se souvient sans doute de Monsieur de Guron, et
je ne ferai ici que rafraîchir sa remembrance. Fidélissime serviteur du roi et
de Richelieu, il avait été utilisé, à tour de rôle avec moi, comme relais aux
redisances de la Zocoli [7] , jusqu’à
ce que le roi jugeât plus sûr de la confier au confessionnal de Fogacer devant
lequel, en effet, la Zocoli passait inaperçue, Fogacer étant assiégé par
quantité de pécheresses. La raison en était que Fogacer montrait pour leurs
péchés une suave indulgence et les absolvait sans gronderies, prêcheries, ni
menaces d’un éternel enfer. Cette indulgence s’expliquait selon moi pour la
raison que Fogacer, en ses vertes années, avait eu, lui aussi, quelques
faiblesses mais non, comme on sait, pour le gentil sesso.
    Monsieur de Guron était – hélas, comme Louis ! –
un des goinfres de la Cour, mais cela, à la différence du roi, ne lui faisait
aucun mal. Il buvait à lut sans être jamais ivre, il bâfrait comme porc en son
auge et coqueliquait comme rat en paille. En dépit de ses damnables excès,
Monsieur de Guron demeurait sain, gaillard et joyeux, poussant devant lui une
ronde bedondaine avec l’assurance d’un homme qui a bien dirigé sa vie.
    Combien différent paraissait le long et maigre Bouthillier,
sobre, sage et laborieux, descendant en outre d’une famille de robe célèbre
pour sa probité et liée de longue date à Richelieu. Est-il utile de dire que le
cardinal appréciait fort les vertus de Bouthillier et fit de lui son confident
et son conseiller.
    Sagement, comme il faisait tout, Claude Bouthillier à
vingt-cinq ans épousa Marie de Bragelonne et lui fut adamantinement fidèle. Le
Seigneur ne laissa pas de bénir ce couple exemplaire en lui donnant des
enfants, et à chaque enfant, par une curieuse coïncidence, Claude montait d’un
échelon dans l’échelle des emplois : conseiller au Parlement en 1613, il
devint conseiller d’État en 1619, secrétaire d’État en 1628, et en 1632,
surintendant des finances : poste de la plus grande conséquence en temps
de paix, mais plus encore en temps de guerre, grande mangeuse d’or, comme bien l’on
sait.
    Je m’attendais à ce que Bouthillier fut reçu de prime par
Richelieu, mais quand Monsieur de Guron fut appelé le premier, je conclus que
je serais introduit le second, le cardinal gardant Bouthillier « pour la
bonne bouche », comme eût dit Catherine.
    Observant ensuite que Richelieu ne retenait pas Monsieur de
Guron plus de dix minutes, j’en conclus que mon entretien avec le cardinal ne
durerait pas beaucoup plus. En quoi j’errais.
    À mon entrant, le cardinal était occupé à écrire, et il me
fit signe de m’asseoir en attendant qu’il eût fini, ce qui me laissa le

Weitere Kostenlose Bücher