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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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autres, elle fut conduite dans la grande salle du château.
    Ils faisaient un groupe bien pitoyable. L’eau ruisselait de leurs habits pour former des flaques sur les dalles de pierre. Crottés, fatigués, ils avaient froid. Raquel regarda autour d’elle et constata qu’une nuée de serviteurs la fixaient du regard. Il n’y avait pas un seul visage familier dans cette grande salle voûtée.
    — Où est mon patient ? demanda doucement Isaac.
    Des pas rapides et légers claquèrent sur les marches de pierre de l’escalier menant aux chambres, et le père Bernat apparut, suivi quelques instants plus tard du père Francesc.
    — Maître Isaac, dit-il, c’est un plaisir de vous voir. Vous avez fait diligence.
    — Comment va Son Excellence ?
    — Mal, maître Isaac, très mal. Hâtez-vous, je vous en supplie. Notre évêque a de la fièvre et il souffre depuis ce matin.
    — Dans ce cas, pourquoi l’avoir amené ici ? s’étonna Isaac. Êtes-vous tous fous ? Avec cette pluie et ce vent ? Le garde que vous m’avez envoyé m’a raconté qu’il n’était pas sur une litière, mais sur la selle de son propre cheval. Cette folie pourrait lui être fatale !
    — Je n’ai pu l’en empêcher, maître Isaac, répondit Bernat, la voix brisée par l’émotion. Il a donné des ordres et nous lui avons obéi. Il refusait de nous écouter. Nous avons tenté de le convaincre qu’il était de son intérêt de ne pas bouger, mais il a insisté pour venir ici… à cheval de surcroît. « Je me meurs, Bernat, m’a-t-il dit alors que je m’efforçais de l’arrêter, et je ne saurais guérir nulle part ailleurs. Voulez-vous donc me tuer ? Si ma vie doit s’achever aujourd’hui, que ce soit sur les terres où je suis né. » Comment le contredire ? ajouta Bernat, des sanglots dans la voix. Peu après notre départ, la pluie s’est mise à tomber ; à notre arrivée, il était trempé et glacé. Je crains que mon dévouement ne l’ait achevé.
    — Si vous voulez bien me permettre d’ôter ma cape et de me débarrasser de cette boue… Espérons que son état n’est pas aussi grave que vous le dites. Je vais également avoir besoin de ma fille. Peut-être quelqu’un pourra-t-il l’emmener dans une pièce où elle se rendra présentable elle aussi. La route pour venir ici était très fangeuse.
     
    — Dis-moi tout ce que tu sais de son état, commanda Isaac à Jordi, le serviteur de l’évêque.
    Il était au service de Berenguer depuis leur enfance commune et il connaissait son maître mieux que quiconque.
    — Il ne garde rien depuis son arrivée ici, expliqua Jordi. Et ses entrailles laissent échapper des selles liquides qui le font souffrir.
    — Des traces de sang ?
    — Non.
    — Que lui a-t-on donné depuis qu’il est ici ?
    — Il a demandé du vin à la cannelle, mais il n’y a pratiquement pas touché. Quelqu’un est allé chercher un médecin qui lui a prescrit un cataplasme pour la gorge et une certaine boisson, mais Son Excellence l’a refusée. Le père Bernat a suggéré que je fasse de mon mieux pour qu’il soit à son aise en attendant votre venue. J’ai baigné son visage, j’ai insisté pour qu’il boive.
    — Et tu as bien fait, dit Isaac qui palpait la gorge et le cou de Berenguer.
    Il posa alors l’oreille sur sa poitrine.
    — Comment vous sentez-vous, Votre Excellence ?
    — J’ai froid. J’ai si froid ! Mes mains sont glacées et mes pieds aussi. C’est ce chien, ajouta-t-il en secouant la tête en tous sens, il a effrayé mon cheval et il m’a jeté dans le marais. J’ai froid.
    — Depuis combien de temps délire-t-il ? demanda Isaac dont les mains revinrent délicatement palper la gorge de Berenguer.
    — Cela a commencé avant none, répondit Jordi. Et il doit être près de complies.
    — Six heures, murmura Isaac.
    — Tantôt il est lui-même et se plaint qu’il a soif, mais avaler quelque chose lui est trop pénible.
    — Raquel, dis-moi ce que tu vois.
    — Je vois le gonflement de son cou que vous avez palpé, papa. Malgré le peu de lumière, je trouve que son visage est plus gris et qu’il est plus malade que je ne l’ai jamais vu.
    — Des taches, des rougeurs ?
    — Non, papa.
    — Tant mieux. Que lui prescrirais-tu ?
    — Quelque chose pour les fièvres, les vomissements et les douleurs au niveau de la gorge, puis du bouillon chaud chaque minute jusqu’à ce qu’il s’endorme.
    — Tu as entendu, Jordi ?

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