Le Journal D'Anne Frank
pendant des heures, Ilse m’aime plutôt bien, elle est aussi très bonne en classe mais paresseuse.
Hanneli Goslar ou Lies, comme on l’appelle à l’école, est une fille un peu bizarre, en général elle est timide et, chez elle, très insolente. Elle va toujours tout raconter à sa mère. Mais elle dit franchement ce qu’elle pense et ces derniers temps surtout, je l’apprécie beaucoup.
Nannie Van Praag-Sigaar est une drôle de petite fille, en avance pour son âge, je la trouve plutôt gentille. Elle a d’assez bons résultats, il n’y a pas grand-chose à dire de Nannie Van Praag-Sigaar.
Eefje de Jong est une fille formidable, je trouve. Elle n’a que douze ans, mais c’est une vraie dame. Elle me traite comme un bébé. Elle est aussi très serviable, et c’est pourquoi je l’aime bien.
G. Z. est la plus jolie fille de la classe, elle a un visage adorable, mais elle n’est pas très douée et je crois qu’elle va redoubler, mais évidemment je ne lui dirai pas.
A mon grand étonnement, G. n’a pas redoublé.
Et enfin moi, dernière des douze filles, assise à côté de G. Z.
Des garçons, il y a beaucoup à dire, et en même temps pas grand-chose.
Maurice Coster est un de mes nombreux admirateurs, mais il est plutôt du genre casse-pieds.
Sallie Springer dit vraiment des choses dégoûtantes et on raconte qu’il a déjà couché avec une fille. Mais je le trouve quand même super parce qu’il est très marrant.
Emiel Bonewit est l’admirateur de G. Z., mais G. n’en a rien à faire. Il est plutôt barbant.
Robert Cohen aussi était amoureux de moi, mais je ne peux plus le supporter, il est faux jeton, menteur, pleurnicheur, ridicule, casse-pieds, et il se fait un tas d’idées.
Max Van de Velde est un péquenot de Medemblik, mais tout à fait acceptable, dirait Margot.
Herman Koopman, lui aussi, est dégoûtant, tout comme Jopie de Beer, un vrai dragueur et un coureur celui-là.
Léo Blom est copain comme cochon avec Jopie de Beer et il est contaminé par ses saletés.
Albert de Mesquita est un garçon qui vient de la sixième de l’école Montessori et a sauté une classe, il est très intelligent.
Léo Slager vient de la même école, mais il est moins doué.
Ru Stoppelmon est un drôle de petit bonhomme d’Almelo qui est arrivé en cours d’année.
Jacques Kocernoot est derrière nous avec Pim et nous rions comme des folles (G. et moi).
Harry Schaap est encore le garçon le plus présentable de la classe, il est plutôt gentil.
Werner Joseph idem , mais il est renfermé et donne l’impression d’être ennuyeux.
Sam Salomon est un vrai petit voyou de la zone, un sale gamin (admirateur !).
Appie Riem est plutôt orthodoxe ; mais un sale gamin lui aussi.
Maintenant il faut que j’arrête, la prochaine fois j’aurai encore tant de choses à écrire, donc à te raconter, à bientôt, c’est si bon de t’avoir.
SAMEDI 20 JUIN 1942
C’est une sensation très étrange, pour quelqu’un dans mon genre, d’écrire un journal. Non seulement je n’ai jamais écrit, mais il me semble que plus tard, ni moi ni personne ne s’intéressera aux confidences d’une écolière de treize ans. Mais à vrai dire, cela n’a pas d’importance, j’ai envie d’écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j’ai sur le cœur une bonne fois pour toutes à propos d’un tas de choses. Le papier a plus de patience que les gens : ce dicton m’est venu à l’esprit par un de ces jours de légère mélancolie où je m’ennuyais, la tête dans les mains, en me demandant dans mon apathie s’il fallait sortir ou rester à la maison et où, au bout du compte, je restais plantée là à me morfondre. Oui, c’est vrai, le papier a de la patience, et comme je n’ai pas l’intention de jamais faire lire à qui que ce soit ce cahier cartonné paré du titre pompeux de « Journal », à moins de rencontrer une fois dans ma vie un ami ou une amie qui devienne l’ami ou l’amie avec un grand A, personne n’y verra probablement d’inconvénient.
Me voici arrivée à la constatation d’où est partie cette idée de journal ; je n’ai pas d’amie.
Pour être encore plus claire, il faut donner une explication, car personne ne comprendrait qu’une fille de treize ans soit complètement seule au monde, ce qui n’est pas vrai non plus : j’ai des parents adorables et une sœur de seize ans, j’ai, tout bien compté, au moins trente camarades et
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