Le Maitre Philippe
n’ayant
pas abouti, les adversaires qu’il avait à la Cour (et ils étaient nombreux) menèrent
contre lui une campagne très active auprès du Tsar, allant même jusqu’à l’accuser
d’avoir divulgué au gouvernement japonais les projets du gouvernement russe.
Quoi qu’il en soit, on finit par le trouver quelque peu gênant. En
raison de son influence sur le Tsar, il était devenu pour les gouvernements une
personnalité inquiétante, un homme à surveiller et à éloigner si possible. Tout
fut mis en œuvre pour cela.
Quelques jours après, une dépêche de l’Eclair, du 25 novembre,
venant de Saint-Pétersbourg annonçait que « M. Philippe, qui, par
ses séances de spiritisme, avait pris un si grand ascendant sur le Tsar, a dû
quitter la Cour. C’est surtout grâce aux conseils pressants du médecin de l’Impératrice
que l’expulsion de l’occultiste a été signée. Ce médecin a montré, eu effet, que
les pratiques spirites étaient tout à fait préjudiciables à la santé de l’Impératrice. »
Il est inexact qu’un décret d’expulsion ait été pris contre le
Maître Philippe par le Ministre de la Justice russe. La vérité est que la
Tsarine, devant les provocations du puissant parti qui s’était formé contre
elle, en raison de la faveur impériale accordée au thaumaturge, avait été
obligée de céder et d’éloigner le Maître, sous un vague prétexte, en le
couvrant de fleurs et de présents.
CHAPITRE IV
Retour en France et mort du Maître Philippe
Je ne crois pas nécessaire, pour le moment, de parler plus
ouvertement du rôle occulte du Maître Philippe à la Cour de Russie. Peut-être
le ferai-je un jour. Je veux cependant noter combien il est regrettable que le gouvernement
français n’ait pas saisi tout le parti – il l’a au contraire dédaigné – qu’il
aurait pu tirer de l’influence d’un tel homme sur l’Empereur et l’Impératrice. Par
la Loge martiniste, dont il était le chef occulte, et dont la plupart des
Souverains balkaniques étaient membres, il pouvait, sur les indications du
gouvernement français, influencer la politique des Balkans.
Mais, sans doute, le gouvernement français n’aurait pas voulu
traiter avec un « charlatan » ! Et cependant, d’autres
gouvernements allaient trouver dans la personne du moine Raspoutine, un homme
qui n’allait pas hésiter à faire le jeu des puissances hostiles à son pays.
Il est remarquable que le Martinisme eut toujours une influence
considérable sur l’esprit mystique russe ; et l’impulsion donnée par le
Maître Philippe, le D r . Papus et la Loge martiniste de la Cour, fut,
je l’ai dit, la principale raison pour laquelle le Tsar resta, au milieu de
toutes les intrigues et de toutes les influences pernicieuses, toujours fidèle
à la France et à l’alliance franco-russe. Raspoutine le savait. Il n’ignorait
pas non plus que Papus avait – à plusieurs reprises – essayé de démontrer aux Souverains
russes que l’influence de Raspoutine leur était funeste. « C’est , disait
Papus, un vase pareil à la boîte de Pandore, et qui renferme tous les vices,
tous les crimes, toutes les souillures du peuple russe. Que ce vase vienne à se
briser, et l’on verra son effroyable contenu se répandre aussitôt sur la Russie. » Aussi Raspoutine détestait Papus, et quand les souverains lui en parlaient, il
éclatait violemment :
« Pourquoi l’écoutez-vous, cet esbroufeur ? Et de
quoi se mêle-t-il ?… Si ce n’était pas un intrigant, il aurait bien assez
de travail avec tous les impies et tous les Pharisiens qui l’entourent. Nulle
part, il n’y a autant de péchés que là-bas, dans l’Ouest ; nulle part, Jésus
crucifié ne subit autant d’outrages… Que de fois je vous l’ai dit : tout
ce qui vient des Europes est criminel et pernicieux. » {4}
Aux suggestions criminelles de Raspoutine, de rompre l’alliance
franco-russe, le Tsar eut toujours la force de résister, se souvenant des
paroles prononcées, au sein de la Loge martiniste, par le fantôme de son très
pieux père le Tsar Alexandre III, évoqué par le Maître Philippe.
Rentré en France, le Maître était néanmoins resté en relation
directe avec la Cour, échangeant une correspondance suivie, surtout avec l’Impératrice,
qui lui fit don, en récompense des soins qu’il lui avait donnés, d’une superbe
automobile.
Eloigné maintenant de Russie,
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