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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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humeur :
    – Je voudrais bien savoir qui tente de me saisir à la gorge… la peste soit de l’insolent !
    Brusquement, Jacquemin, au détour du bâtiment qu’ils contournaient, eut la vision de la chapelle, avec ses vitraux vaguement éclairés par la lumière du chœur, et ses yeux s’attachèrent à un rectangle de confuse lueur qui était la petite porte.
    Don Juan s’était redressé.
    D’un pas plus ferme, il marchait à cette porte.
    Bientôt, il n’en fut plus qu’à trois pas.
    À ce moment Jacquemin Corentin vit don Juan s’arrêter soudain, tout raidi, comme pétrifié, et il l’entendit qui ricanait :
    – Quoi ! c’est vous, don Sanche d’Ulloa, c’est vous, seigneur commandeur, c’est vous qui prenez la peine de venir à ma rencontre ? Mille grâces, don Sanche, pour cette courtoisie qui m’honore.
    Corentin regarda par-dessus l’épaule de son maître. Et il ne vit rien…
    Rien qu’une sorte de brouillard blanc qui flottait dans l’encadrement de la porte.
    – Corentin, dit don Juan d’une voix qui résonna étrangement, décharge ton âne, apporte les paniers dans ce magnifique tombeau. Par Dieu ! Nul n’aura jamais eu plus belle salle à manger. Mais, seigneur Sanche, veuillez me livrer passage…
    Jacquemin Corentin fixa sur la porte son regard éperdu de terreur. Et cette fois, il vit !…
    Il vit que ce brouillard qu’il avait remarqué semblait rapidement se condenser. Ses volutes se tordaient, et cela prenait une forme…
    Une forme !…
    Cela prenait la forme d’un être humain, la tête apparut, les épaules, le buste, les bras, les jambes…
    Jacquemin tenta un frénétique effort pour reculer, fuir, mais ses jambes se refusèrent à l’effort, il demeura sur place, les cheveux hérissés, le regard fou.
    Et tout à coup, d’un bond, il atteignit aux dernières limites de l’horreur.
    Car ce qu’il voyait, cette forme qui venait de se constituer devant lui, dans l’encadrement de la porte, ce n’était même pas un être humain…
    C’était un marbre rigide.
    Ce marbre, Corentin le reconnut.
    Il eut un gémissement :
    – La statue ! La statue du commandeur !…
    Et il s’affaissa, évanoui, à l’instant même où il vit, oui, de ses yeux, il vit la statue de marbre, la statue du commandeur lever lentement le bras…
     
    Don Juan était immobile devant ce qu’il voyait.
    Ce qu’il voyait était-il de la réalité ?
    Qu’importe ?…
    Oui, vraiment : l’importance est nulle de savoir si ce qu’il voyait était réel ou non.
    Ce qui importe, c’est qu’il voyait…
    Si la chose qu’il voyait venait à le toucher, il devait ressentir le contact, exactement comme si la chose eût été réelle.
    Don Juan voyait…
    Il se tenait tout raide, aussi rigide que la chose qu’il voyait.
    Il penchait légèrement la tête en arrière, comme pour lever les yeux, comme pour mieux voir ce qu’il voyait…
    Il voyait la statue du commandeur.
    Sur ses lèvres, il y avait encore un sourire de négation, dans ses yeux, il y avait encore un éclair de défi.
    Et il vit…
    Don Juan vit la statue lever le bras, avec une terrible lenteur. L’idée de fuir n’était pas en lui. Il n’y avait qu’un chaos de pensées qui s’effondraient, une sorte de cataclysme de tout son être sous la poussée d’un cyclone d’épouvante.
    Il vit !…
    Il vit la main de marbre, dans l’air, venir jusqu’à lui, jusqu’à sa gorge…
    Il sentit les doigts de marbre s’incruster dans sa gorge…
    Cela dura quelques secondes.
    Un effroyable soupir souleva la poitrine oppressée. Et tout à coup, tout d’une pièce, en arrière, don Juan tomba, étranglé, étouffé, mort sous la main glacée du père de Christa, sous L’ÉTREINTE DE LA STATUE DU COMMANDEUR…
    Lorsque Jacquemin Corentin revint à lui, son premier regard se fixa sur la porte de la chapelle, mais la statue n’était plus là. Il se redressa et vit alors plusieurs serviteurs de l’hôtel d’Arronces accourir avec des torches, sous la conduite de Jacques Aubriot. Ces torches éclairèrent la petite esplanade où Clother de Ponthus s’était battu pour sauver Léonor… Elles éclairèrent le cadavre de don Juan Tenorio.
    Près du corps, une femme vêtue de noir était agenouillée, immobile, statue elle-même, statue de la douleur et du deuil.
    L’intendant s’approcha, se découvrit, toucha respectueusement cette femme à l’épaule et lui dit :
    – Venez, madame, venez. Nous

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