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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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chanter.
    Qui pleurait donc dans l’ombre de cette nuit ?
    Était-ce vous, Silvia, vous, l’épouse à qui, jadis, don Juan avait chanté la vieille romance d’amour, vous en qui ses douloureux accents évoquaient le charmant souvenir des minutes de bonheur à jamais abolies ?
    Don Juan, disons-nous, se tut. Il pleurait…
    Une minute, il demeura immobile, paraissant écouter, les yeux levés vers les fenêtres sombres et muettes. Puis, tout à coup, il eut un tumultueux frisson qui l’agita tout entier. Il porta la main à sa gorge comme s’il eût étouffé. Alors, il baissa la tête, il parut vouloir se faire tout petit, Corentin l’entendit qui murmurait :
    – Qui me parle ? Qui répond à la romance d’amour ? Il semble que ce soit une dédaigneuse pitié. Qui donc ose avoir pitié de don Juan ? Qui donc lui pardonne ? Don Juan ne veut ni pitié ni pardon ! Don Juan veut de l’amour !
    Il recula, éperdu, semblant se débattre. Il se redressa fièrement.
    – Qui ose dire qu’il pardonne à Juan Tenorio ? cria-t-il. Oh ! cette voix qui pardonne me brûle le cœur. Pardonné comme un pauvre larron qu’on méprise ! Pardonné comme un misérable vaincu réduit à l’impuissance ! Pardonné ! Pardonné !
    Il se baissa, se courba comme si ce mystérieux pardon l’eût écrasé.
    Et, violemment, il se redressa encore ; ses yeux étaient étincelants, la voix rauque, il cria :
    – Qui es-tu, toi qui pardonnes ? Je ne veux pas de pardon ! Ton dédain, je le dédaigne ! Ton mépris, je le méprise ! Ton pardon ! Ah ! c’est du fiel au fond de la coupe d’amour que j’ai vidée ! Ton pardon ! C’est la marque du fer rouge sur l’épaule du galérien ! Pas de pardon ! Pas de pardon ! Je veux d’abord savoir qui tu es ! Ho !… Je te vois ! Je te reconnais ! Tu es celle qui a pleuré d’amour à mes accents d’amour ! Tu es Maria !… Que veux-tu, Maria ?… Enfer ! Ce n’est pas Maria !… C’est Pia… non… c’est Silvia… non… Oh ! les voici ! les voici, toutes ! Toutes celles qui m’ont aimé ! Les voici toutes qui infligent à don Juan la suprême aumône de leur dédain… de leur pardon ! Arrière, toutes ! Je fus votre maître, vous obéissiez à ma voix, obéissez, ou par le ciel !… Ha ! Les voici en fuite… Il n’y en a plus qu’une… une seule qui s’obstine à l’insulte du pardon ! Qui est celle-ci ? Pourquoi tant de mépris en ses yeux si doux ? Dieu ! qu’elle est belle, et que terrible est son pardon ! Qui es-tu ? qui es-tu ?…
    Il s’abattit soudain sur les deux genoux, et sa voix déchirante lança aux échos du parc mystérieux le nom de celle qui était morte de l’avoir aimé :
    – Christa ! Christa ! Christa !…
    – Monsieur, dit Jacquemin qui tremblait de tous ses membres, revenez à la raison, maintenant, profitons de ce que l’air est libre pour nous en aller…
    – As-tu entendu ce qu’elle a dit, Corentin ?
    – Qui cela, monsieur ?
    – Je n’ai pas bien distingué ce qu’elle disait. Elle a murmuré je ne sais quoi, quelque chose comme « l’étreinte du commandeur « … Que vient faire ici l’étreinte du commandeur ?… Que diable a-t-elle voulu dire avec son étreinte du commandeur ?… Quoi qu’il en soit, son pardon, je n’en veux pas !
    – Allons-nous-en, monsieur, allons-nous-en !…
    Don Juan se mit à rire et haussa les épaules :
    – Le commandeur ! fit-il. C’est lui, le pauvre homme, qui a senti la force de mon bras. Tu as raison, Corentin, allons-nous-en. Que sommes-nous donc venus faire ici ?
    – Le diable le sait ! Partons vite…
    – Non pas ! Je me souviens à présent ! Le commandeur ! Hé, ne l’ai-je point invité à dîner ? C’est cela. Je dois aller dîner en tête-à-tête avec la statue du commandeur, et toi, tu dois nous servir. Suis-moi !…
    Don Juan s’avança, contournant l’hôtel d’Arronces et se dirigeant vers la petite porte de la chapelle. Jacquemin le suivit, éperdu, n’ayant plus de force pour résister, implorer, ni même pour réciter ses prières. Machinalement, il continuait à tirer l’âne par le bridon. Ses yeux demeuraient rivés à son maître qu’il voyait devant lui, marchant du pas saccadé d’un blessé qui a peine à se soutenir. Il remarqua très bien qu’à chaque instant, don Juan portait la main à sa gorge, et il l’entendit une fois qui grondait d’un ton de mauvaise

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