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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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s’efforçant de faire le poirier, et de notre frère aîné Frank, les yeux plissés à cause de la fumée de sa cigarette, lui maintenant les pieds et répétant : « Pousse ! Pousse ! » Je me souviens de lui pissant contre la grange dans le froid et de la vapeur grise ondoyant comme des algues. Toutes ces images de celui qui allait devenir le plus célèbre des Dalton peuvent paraître triviales, mais Bob était mon frère le plus proche, à peine plus âgé de deux ans, et je l’enviais trop pour prêter attention de très près à ses diverses prouesses.
    Bob était aussi beau que Hamlet incarné par une actrice (comme c’était la coutume en ce temps-là) et c’était toujours lui, le lauréat de ces dames dans les bals. Il avait les cheveux bruns coupés court et les pattes rasées, ainsi que des yeux bleus en amande et des dents blanches dont il prenait bien soin et qu’il brossait avec du bicarbonate de soude quatre ou cinq fois par jour. Il se rappelait tout ce qu’il avait lu et il était capable de multiplier comme un banquier ou d’épeler un mot à l’envers, si bien que l’une de ses institutrices s’était fourré dans la tête qu’il irait à la faculté de médecine de Cornell. Il était attentif à ce que disaient les femmes ; il écoutait avec une telle concentration qu’il fronçait les sourcils ; et quand il ne parvenait pas à déterminer la réaction appropriée, il répondait par quelque gentillesse. Il mesurait un mètre quatre-vingt-trois pour soixante-treize kilos tout mouillé  – il était tout en tendons et en os sous ses vêtements et avait la peau blanche comme de la colle. Selon les critères de l’époque, on le tenait pour sympathique, affable et sémillant. Le cliché original de la dépouille en chaussettes de Bob Dalton par John Tackett n’en laisse rien soupçonner.
     
     
    Peu après les obsèques de Frank, il échut à mon frère aîné Grattan de remplacer le défunt héros. Grat connut son heure de gloire lorsqu’il voulut arrêter un voleur de bétail nommé Félix Griffin, qui lui tira dans l’estomac. Mon frère continua à marcher droit sur Griffin sans se démonter et le gifla avec son chapeau jusqu’à ce que son agresseur s’écroule à genoux. La balle avait fendu l’un des boutons en bois de la chemise de Grat et il extirpa le projectile de son ventre comme un brandon. D’aucuns affirmèrent que Grat avait le potentiel requis pour devenir un défenseur de l’ordre du calibre de Heck Thomas et l’on en vint à tenir des propos si exagérés sur son compte que quand les Indiens osages créèrent une force de police tribale, ils désignèrent le frère cadet du grand homme, Robert Renick Dalton, alors âgé de dix-huit ans, comme chef  – le plus jeune dans l’histoire de l’Ouest.
    Cette année-là, je travaillais comme cow-boy au ranch Bar X Bar d’Oscar Halsell, près de Pawnee, où j’avais de mauvaises fréquentations  – Dick Broadwell, Bill Powers, Bill Doolin  –, ce qui incita mon frère Bob à entreprendre de sauver mon âme et à me recruter.
    J’étais le neuvième des quinze rejetons de Lewis et Adeline Dalton et quand j’avais quitté leur misérable ferme pouilleuse et étriquée pour bûcher à cheval seize heures par jour, à cornaquer du bétail dans des enclos, j’étais aussi heureux qu’on puisse l’être, comme si j’avais été délivré de toutes mes souffrances passées pour débuter une nouvelle vie.
    Mais le besoin d’être à nouveau avec mes frères me poussa à abandonner le ranch. Et je me remémore le sourire du jeune Emmett Dalton, seize ans, sur les marches de l’église méthodiste, le jour où il prêta officiellement serment. Je faisais un mètre quatre-vingt-huit, je pesais presque dix kilos de plus que Bob, et j’étais à l’étroit dans mes fringues, avec mon col en carton, ma cravate à motif cachemire et mes éperons à grosse molette. Je m’étais peigné les cheveux en arrière avec de l’essence de rose et ils étaient coupés court autour de mes oreilles, de sorte que le blanc de mon cuir chevelu se voyait. Assis sur une chaise cannée dans un manteau à parements de velours qui lui descendait jusqu’aux genoux et qu’il portait par-dessus le haut de ses longs sous-vêtements gris récurés pour l’occasion, mon père, alors âgé de soixante-treize ans, m’avait dévisagé, sa pipe en rafle de maïs au bec, tâchant de me resituer par rapport au reste de sa

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