Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
Huns. D’autres parlaient d’hommes en haillons, toujours affamés qui tiraient des coups de feu désespérés. « Ils fonceraient à travers le feu, le souffre et l’enfer pour tenir quelque chose dans leur havresac, de pareils estomacs n’attendent pas longtemps », lui disait-on. Par ces histoires, l’adolescent imaginait leurs corps décharnés et rouges, saillant à travers les déchirures de leurs uniformes usés.
Toutefois, il ne pouvait croire tout à fait à ce que racontaient les vétérans, car les nouvelles recrues étaient leurs proies. Ils parlaient beaucoup de fumée, de feu et de sang. Mais il ne pouvait dire la part de mensonge qu’il y avait. Ils lui criaient avec insistance « bleusaille ! ». Il n’était pas raisonnable de leur faire confiance.
Cependant, il se rendait maintenant compte qu’il importait peu de connaître le genre de soldat avec qui on allait se battre du moment que l’on se battait ; un fait que personne ne peut contester. Il y avait un problème plus sérieux. Étendu sur sa paillasse, il y réfléchissait. Il essayait de se prouver mathématiquement qu’il ne déserterait pas le champ de bataille.
Auparavant il ne s’était jamais senti obligé de traiter la question d’une manière trop sérieuse. Au cours de sa vie il avait tenu certaines choses pour assurées, ne doutant jamais de sa foi quant au succès final, et s’inquiétant très peu des moyens pour y parvenir. Mais ici il était confronté à quelque chose d’important. Il lui paraissait subitement que peut-être lors d’une bataille il pourrait déserter. Il était forcé d’admettre que tant que la guerre n’était pas là, il n’en saurait rien.
À une époque suffisamment lointaine, il eut facilement écarté ce problème hors de sa conscience ; mais maintenant il se sentait contraint de l’examiner de façon sérieuse.
Une peur panique grandissait quelque peu en lui. Comme son imagination allait de l’avant au combat, il vit de hideuses perspectives. Il considéra les menaces à l’affût dans le futur, et faillit dans son courage à se voir debout au milieu d’elles. Il se rappela ses visions où la gloire lui était soumise ; mais à l’ombre de l’imminent tumulte, il les suspecta de n’être que d’impossibles rêves.
Vivement il se leva de sa paillasse, et commença à faire nerveusement les cent pas. « Mon Dieu qu’est-ce qui me prend ? » dit-il tout haut.
Il sentait que, dans cette crise, ses règles de vie étaient inutiles. Quoiqu’il put apprendre sur lui-même, ici c’était sans valeur ; il ne se reconnaissait plus… Il voyait bien qu’il était encore obligé de passer par l’expérience comme il le faisait dans sa prime jeunesse. Il devait accumuler les informations par lui-même ; et en attendant, il résolut de rester sur ses gardes au cas où ces choses, dont il ne savait rien, ne le mettent en disgrâce éternelle. « Mon Dieu ! » répétait-il désespéré.
Un moment plus tard le soldat de grande taille se glissa habilement par l’ouverture, suivit de la voix forte. Ils se querellaient bruyamment.
– « C’est très bien ! » dit l’échalas en entrant. Il secouait la main de manière expressive. « Tu peux me croire où pas, c’est juste comme tu veux. Tout ce que t’as à faire est de t’asseoir, de te tenir tranquille et d’attendre. Alors très bientôt tu sauras que j’avais raison ».
Son camarade grogna d’un air obstiné. Durant un moment il parut chercher quelque formidable réplique. Finalement, il dit : « Hé bien, tu ne peux pas savoir tout ce qui se passe n’est-ce pas ? »
– « Ai-je dit que je savais tout ? » répliqua l’autre d’un ton coupant. Et il commença de mettre divers articles bien enveloppés dans son sac à dos.
L’adolescent, mettant une pause à sa marche nerveuse, se mit à regarder la silhouette occupée de l’échalas. « C’est sûr qu’il y aura une bataille ici, Jim ? » demanda-t-il.
– « Bien sûr que oui ! » répondit l’autre. « Bien sûr que oui. T’as qu’à attendre demain, et tu verras l’une des plus grandes batailles qui fut jamais. T’as qu’à attendre. »
– « Tonnerre ! » dit l’adolescent.
– « Oh ! tu verras la bagarre cette fois mon garçon, tu verras ce que c’est qu’un combat complet et bien régulier », ajouta l’échalas, avec l’air d’un homme sur le point d’exhiber une bataille rien que pour le
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