Le soleil d'Austerlitz
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© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1997
EAN 978-2-221-11915-0
Ce livre a été numérisé avec le soutien du Centre national du Livre.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Pour Anne et Antoine Ottavi
Ma maîtresse, c’est le pouvoir. J’ai trop fait pour sa conquête pour me la laisser ravir ou souffrir même qu’on la convoite .
4 novembre 1804, à Roederer.
Je ne suis pas un Roi. Je ne veux pas qu’on m’insulte comme un Roi. On me traite comme un magot royal. Moi, un magot royal ! Je suis un soldat sorti du peuple et me suis élevé moi-même. Puis-je être comparé à Louis XVI ?
Napoléon Bonaparte, 1 er février 1801.
Première partie
Ni bonnet rouge, ni talon rouge, je suis national
11 novembre 1799 (20 brumaire an VIII)-7 septembre 1800
1.
Napoléon a trente ans et quatre mois.
Il entend les cris : « Vive Bonaparte ! Vive la paix ! »
Il s’approche de la porte vitrée qui ferme le salon de la rotonde, la pièce la plus vaste de son hôtel particulier.
Au bout du jardin, derrière les haies, il aperçoit la petite foule qui a envahi la rue de la Victoire. Elle l’attend depuis le début de la matinée. Elle s’est rassemblée quand, par les journaux et les affiches, elle a su qu’il avait été choisi la veille, 19 brumaire, comme l’un des trois consuls provisoires de la République, et qu’il avait prêté serment au milieu de la nuit, devant les députés réunis au château de Saint-Cloud.
Les badauds vont et viennent le long des grilles du parc, espérant apercevoir Bonaparte et Joséphine de Beauharnais. Ils entourent la voiture attelée de quatre chevaux noirs qui est arrêtée devant le portail.
Les chevaux des dragons de l’escorte piaffent et hennissent. Leurs naseaux sont enveloppés d’une vapeur qui, après quelques instants, se confond avec le brouillard.
Il fait froid et humide.
Temps de saison, ce 11 novembre 1799, 20 brumaire an VIII.
Il est un peu plus de onze heures.
Bourrienne, le secrétaire, ouvre la porte. Les deux autres consuls provisoires, Sieyès et Roger Ducos, attendent au palais du Luxembourg, hier siège du Directoire, aujourd’hui du Consulat qui est né dans la nuit.
Napoléon se tourne. Il fait ainsi face au miroir qui surmonte la cheminée.
Voilà vingt-cinq jours, il entrait dans ce salon, arrivant d’Égypte.
C’était l’aube. La maison était vide. Il voulait répudier Joséphine absente. Et elle est là, dans cette longue tunique diaphane qui laisse deviner son corps. Elle s’appuie avec nonchalance a la cheminée. Elle est déjà parée, comme à chaque moment de la journée. Un ruban de soie bleue retient les boucles qui encadrent son visage poudré.
Vingt-cinq jours ont passé. Il a renoncé au divorce. Il n’a pas oublié ce qu’il a découvert : qu’elle a été frivole et adultère, qu’elle s’est moquée de lui. Mais, dans la préparation de ces journées des 18 et 19 brumaire, elle a été une alliée utile, efficace, une épouse tendre et attentive.
Tout a changé, donc, en vingt-cinq jours.
Il n’était, le 16 octobre, au matin de son retour, qu’un général qui avait quitté son armée, l’abandonnant en Égypte, un général que l’opinion soutenait mais que le gouvernement pouvait destituer, accuser de désertion.
Il a joué.
Hier, 10 novembre, à Saint-Cloud, dans le palais de l’Orangerie, quand les députés des Cinq-Cents se sont précipités contre lui en criant : « Hors-la-loi ! Mort au dictateur ! Hors-la-loi ! », il a cru quelques minutes qu’il avait perdu. Il s’est même affolé.
Les traces en sont là, sur son visage gris que, entouré par cette meute hurlante, menaçante, il a labouré de ses ongles, crevant les boutons qui le parsèment, déchirant les dartres, faisant couler le sang.
Les députés ont frappé un grenadier qui s’interposait. Mais que pouvait espérer cette bande d’avocats qui avaient à plusieurs reprises violé la Constitution et maintenant l’invoquaient comme un texte sacré ?
Hier, dans la nuit, il a stigmatisé leur attitude, cette haine, « ce cri farouche des assassins contre la force destinée à les réprimer ». Il a dicté cette proclamation dont Bourrienne vient de lui apporter le texte
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