Le vétéran

direction de Whitechapel. Le Royal London Hospital sur Whitechapel Road disposait d'un service de neurochirurgie très au point.
    L'hôpital le plus proche n'en avait pas, et si une intervention s'avérait nécessaire, les quelques minutes de trajet supplémentaires se justifieraient pleinement.
    Le conducteur contacta le standard de l'hôpital pour signaler sa position exacte sur South Tottenham et l'heure approximative de son arrivée. H
    demandait qu'une équipe du service des urgences soit sur le pied de guerre à ce moment-là. L'auxiliaire médical qui était monté à l'arrière avait vu juste. Les graves lésions cérébrales, surtout après une agression violente, se mani-14
    festent souvent par un gonflement des tissus sous-cutanés de la face et de la tête. Le visage méconnaissable se transforme rapidement en une énorme gargouille boursouflée. Celui du blessé avait commencé à enfler sur le trottoir. Lorsque l'ambulance s'engagea sur le parking des urgences du Royal London Hospital, il ressemblait à un ballon de football. Les portières s'ouvrirent brusquement et la civière fut remise entre les mains de l'équipe d'urgentistes : trois médecins sous la houlette du spécialiste, le professeur Cari Bateman - un anesthésiste, deux internes, plus trois infirmières. Ils enveloppèrent la civière et emportèrent le patient -
    toujours allongé sur la planche dorsale - sur un des chariots de l'hôpital.
    - Je dois récupérer ma planche ! s'écria l'ambulancier. Mais personne ne l'entendit. Le policier s'extirpa du véhicule.
    - O˘ est-ce que je dois aller ? demanda-t-il.
    - Là-dedans, répondit l'auxiliaire. Mais ne gênez pas le passage.
    L'officier hocha docilement la tête et franchit les portes battantes au pas de course, espérant toujours obtenir une déposition. La seule personne qui s'adressa à lui fut l'infirmière en chef.
    - Asseyez-vous ici. Et ne gênez pas le passage.
    Une demi-heure plus tard, Paradise Way était en effervescence. Un inspecteur en uniforme du commissariat de Dover Street, appelé dans le quartier le ´ poste de Dover ª, avait pris la direction des opérations. La rue dans laquelle avait eu lieu l'agression avait été bouclée par un cordon de sécurité. Une douzaine d'officiers de police quadrillaient le secteur, avec une attention particulière pour les boutiques du centre commercial et les six étages d'appartements qui s'élevaient au-dessus. Les logements situés face au lieu de l'agression leur semblaient particulièrement intéressants : quelqu'un avait pu assister à la scène derrière sa fenêtre.
    La t‚che se révéla ardue. Les réactions allaient des excuses sincères aux insultes pures et simples, en passant par les dénégations butées. Us continuèrent néanmoins à faire du porte-à-porte.
    L'inspecteur s'était empressé d'appeler un de ses collègues de la police judiciaire, inspecteur lui aussi. Manifestement, l'affaire 15
    requérait l'intervention de policiers gradés. Au poste de Dover, le commissaire divisionnaire Alan Parfitt avait arraché l'inspecteur principal Jack Burns à la délicieuse tasse de thé qu'il sirotait à la cantine pour lui demander de couvrir l'agression de Paradise Way. Il eut beau alléguer qu'il enquêtait déjà sur une série de vols de voitures et sur un chauffard qui avait pris la fuite après un accident, et qu'il devait en plus se présenter au tribunal le lendemain matin, ça ne servit à rien. Manque de personnel : voilà ce qu'on lui répondit. Saleté de mois d'ao˚t, marmonna-t-il en partant.
    Burns et son collègue l'inspecteur adjoint Luke Skinner arrivèrent à peu près en même temps que l'équipe du POLSA. La t‚che de cette dernière est spécialement ingrate. Revêtus de combinaisons de sécurité et de gants de protection, les policiers sont chargés de fouiller les scènes de crimes et de récolter des indices. Vu que ceux-ci ne se manifestent pas forcément comme tels, ils ont l'habitude de ramasser tout ce qui se présente et de le fourrer dans des sacs en plastique pour l'examiner ultérieurement. Ce travail très salissant amène les policiers à se faufiler à quatre pattes dans des endroits bien peu rago˚tants. La cité de Meadowdene Grove, par exemple.
    - D manque un portefeuille, Jack, fit l'OPJ en tenue qui venait d'interroger Mr Patel. L'un des deux assaillants a saigné du nez. quand il a pris la fuite, il tenait son T-shirt plaqué contre sa figure. Du sang a pu se répandre par