Le vétéran
gantées. Chaussée d'après-skis, couverte d'un manteau matelassé mais tête nue, une seule personne assistait aux funérailles. Une chevelure d'un noir de jais flottait dans son dos comme une étole. De l'autre côté de la tombe, un homme corpulent se tenait sous un if. Il observait la scène mais restait à
l'écart. H portait une veste en peau de mouton pour se protéger du froid, à
laquelle était épingle l'insigne de sa profession. C'avait été un drôle d'hiver, se disait l'homme debout sous
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son arbre. La veuve de Braddock, qui semblait moins peinée que soulagée, était sortie de son isolement pour prendre les rênes de l'entreprise familiale. Elle avait changé de coiffure et s'était fait faire un lifting, s'habillait à la dernière mode et fréquentait les soirées mondaines. Elle avait rendu visite à l'hôpital à la jeune fille que son fils avait failli épouser. Comme elle lui avait plu, elle lui avait proposé la jouissance d'une petite maison dans l'enceinte du ranch et une place de secrétaire particulière. Linda avait accepté les deux. Enfin, elle avait gracieusement restitué ses parts à Mr Pickett.
- Nous sommes poussière et nous redeviendrons poussière, psalmodia le pasteur.
Deux flocons de neige portés par le vent vinrent se poser sur la crinière brune, semblables à des églantines sauvages. Les fossoyeurs prirent les cordes, repoussèrent les planches et descendirent le cercueil en terre.
Puis ils reculèrent de quelques pas et attendirent près de la fosse, les yeux rivés sur leurs pelles fichées dans le monticule de terre.
Les médecins légistes de Bozeman avaient pris leur temps et avaient fait tout leur possible. D'après leurs conclusions, les ossements appartenaient à un homme d'un peu moins d'un mètre quatre-vingts, probablement doté d'une exceptionnelle force physique. Les os ne présentaient aucune trace de fractures ou de blessures ayant entraîné la mort. L'homme avait d˚ mourir de froid. Sa dentition avait suscité l'étonnement des dentistes : des dents blanches, bien plantées et bien alignées, sans une seule carie. Us estimaient que l'individu avait entre vingt-cinq et trente ans. Une équipe de scientifiques avait analysé les restes extérieurs au corps. Les tests au carbone 14 avaient révélé que la matière organique - daim, cuir, fourrure -
datait sans conteste du milieu des années 1870.
quant au mystère du carquois, de l'arc et des flèches et de la hachette, il n'était toujours pas résolu. Des tests similaires avaient prouvé qu'ils étaient très récents. Selon la version officielle, un groupe d'Américains d'origine indienne avait visité la grotte et laissé là ces trophées pour rendre hommage à un homme mort depuis longtemps. Une fois poli, réparé et daté gr‚ce à son manche en os, le couteau de chasse fut offert au professeur Ingles, qui l'exposa dans son bureau. Le shérif avait réclamé le 353
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vieux fusil. H le fit remettre en état par des professionnels et le suspendit derrière son bureau. H l'emporterait avec lui en prenant sa retraite.
- Dans l'attente de la Résurrection et de la Vie …ternelle. Amen.
Soulagés de ne plus avoir à faire le pied de grue, les fossoyeurs activèrent leur circulation en comblant la fosse de terre. Le pasteur dit quelques mots à la seule personne présente et lui tapota le bras avant d'aller retrouver la chaleur du presbytère. La jeune fille ne bougea pas.
Suite à une unique déclaration de celle-ci à l'hôpital - déclaration singulièrement obscure -, la chasse à l'homme avait vite cessé. ¿ en croire les journaux, le fugitif avait d˚ quitter les montagnes à la faveur de la nuit et se volatiliser dans les régions sauvages du Wyoming, laissant mourir sa compagne dans la grotte.
Les fossoyeurs refermèrent la tombe, formèrent tout autour une bordure de cailloux et déversèrent dessus quatre sacs de gravier jaune. Soulevant leurs toques de fourrure pour saluer la jeune femme, ils s'éloignèrent avec leurs pelles. L'homme corpulent s'approcha alors discrètement et se plaça derrière elle, légèrement de côté. Elle ne broncha pas. Elle savait qu'il se trouvait là et qui il était. H retira son chapeau, et le garda à la main.
- On n'a jamais retrouvé votre ami, Miss Pickett.
- Non.
Elle tenait une fleur devant elle, une rosé rouge à longue tige.
- Je suppose qu'on ne saura jamais.
- Non.
Prenant la rosé d'entre ses doigts, il fit quelques pas
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