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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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réclama « de grandes mesures révolutionnaires pour surmonter le péril », le centre parut ébranlé. Intrépide, Lanjuinais gagna la tribune, déclenchant aussitôt les clameurs des gradins et de la Montagne.
    « Fauteur de guerre civile ! À bas ! lui lançait-on.
    — Tant qu’il sera permis de se faire entendre…
    — Refusez-lui la parole !
    — … je ne laisserai pas avilir en moi le caractère de représentant du peuple.
    — Tu ne l’es plus. Tu n’es pas digne de l’être ! Tu as trahi ton mandat.
    — Une puissance rivale vous domine…
    — Fédéraliste !
    — … une autorité usurpatrice…
    — À bas le Vendéen !
    — … vous environne de ses canons…
    — Descends ou je t’assomme ! lui cria Legendre en s’élançant vers la tribune.
    — Fais d’abord décréter que je suis bœuf. »
    Robespierre jeune, l’ex-maître de poste Drouet, le grand vicaire Chabot se précipitèrent pour donner la main à Legendre qui avait gravi les marches et secouait Lanjuinais accroché à la tablette. Defermon, Biroteau, Lidon, député de Brive, se précipitaient à son secours. Le public trépignait. Mallarmé, couvert, agitait sa sonnette en clamant : « Je vous rappelle à l’ordre, vous tous qui vous êtes portés à cette tribune. Si vous vous conduisez de la sorte, la liberté périra. » Un peu de calme se rétablit. Rajustant son habit malmené, Lanjuinais, imperturbable, continua :
    « Une autorité usurpatrice délibère, conspire, un comité d’exécution organise l’assassinat des membres de la Convention…
    — Scélérat, lui cria Thuriot. Tu as donc juré de perdre la république par tes éternelles calomnies ! »
    Après avoir eu pour lui, autrefois, tant d’admiration, et, jusqu’à ces dernières semaines, de l’estime encore, de l’amitié, Claude se sentait l’envie de lui tordre le cou, à cet imbécile obstiné. Têtu comme une mule, il poursuivait ses déclamations contre la Commune, sans comprendre qu’en ce moment elle seule était capable d’obtenir de l’immense peuple l’effort, les sacrifices nécessaires pour sauver la nation. Mais parbleu ! périsse la France plutôt que le principe et la raison bourgeois ! La Cour aussi avait pensé : périsse la France plutôt que le principe et la raison monarchiques.
    «… on vous présente une liste de proscriptions ramassée dans la boue de Paris…
    — À bas ! Il insulte le peuple !
    — … Je demande la cassation immédiate de la Commune. »
    Sa voix s’éteignit enfin dans une explosion de hurlements. Les poings se tendaient vers lui. La foule, envahissant la salle, repoussait les huissiers et les gardes jusqu’au pied du massif vert et jaune de la tribune. Mais on ne voulait pas de violences physiques dans la Convention, les « tape-dur » intervinrent pour refouler le public. Mallarmé acheva de le calmer en annonçant qu’on allait recevoir une députation des autorités parisiennes. Elle parut à la barre, conduite par Jean Dubon, vice-président du Conseil général, Hébert, procureur adjoint de la Commune, Lhuillier, syndic du Département. Varlet, plusieurs municipaux, dont Audoin, et de nombreux sectionnaires, suivaient. La délégation apportait un ultimatum. Xavier Audoin le lut. C’était la pétition de Marat :
    « Représentants, depuis quatre jours, les citoyens de Paris n’ont point quitté les armes. Depuis quatre jours, ils réclament leurs droits, et depuis quatre jours leurs mandataires se rient du calme et de la patience des citoyens. Cela n’a que trop duré. Au nom du peuple, nous vous sommons d’agir. Il faut mettre les conspirateurs en état d’arrestation provisoire. Sauvez-nous, ou bien nous allons nous sauver nous-mêmes ! »
    Aussitôt Billaud-Varenne, appuyé par Tallien, demanda le vote immédiat sur cette pétition, tandis que la droite et la Plaine réclamaient, au contraire, l’ordre du jour.
    « L’ordre du jour est de sauver la patrie ! » s’écria Legendre.
    Au milieu d’un nouveau tumulte, la majorité vota le renvoi en se fondant, comme la veille, sur le délai imparti au Comité de Salut public pour faire son rapport. Un grand mouvement s’ensuivit. La députation se retira, les sans-culottes qui l’accompagnaient proférant des menaces. Tous les tape-dur et la plupart des sectionnaires abandonnèrent de même les gradins où tout d’un coup on ne vit plus que des tricoteuses. Dans l’instant, on entendit

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