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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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demanda :
    — À votre avis, est-ce que je peux en disposer à mon gré ?
    Cette fois Morosini commençait à comprendre mais n’en fit rien paraître :
    — C’est selon la façon dont on voit les choses. Si l’on s’en tient à la lettre des volontés de la grande-duchesse, vous devez les conserver par-devers vous comme un précieux souvenir de vos amours avant de les ensevelir avec vous, lorsque vous irez dormir auprès d’elle votre dernier sommeil…
    — Mais je n’ai pas la moindre intention de me faire enterrer auprès d’elle. Surtout en compagnie de qui vous savez. Et c’est d’ailleurs impossible : nous irons à Vérone, moi et ma femme ! s’écria Manfredi avec impatience.
    — Calmez-vous ! Je n’en doute pas, sinon ce que nous venons de faire ne servirait à rien. En outre, l’intention de nuire était patente chez la grande-duchesse quand elle vous a fait ce cadeau à la fois magnifique et empoisonné. Je pense qu’une fois la lettre de décharge partie pour Bregenz avec nos signatures – c’est moi, bien entendu, qui vais remplacer Achmet comme témoin – le notaire la classera. L’oubli et la poussière commenceront leur œuvre…
    — Oui, mais, quand je mourrai moi-même, ce notaire ou son successeur pourraient demander une vérification et…
    — … et ce serait difficile si les joyaux sont vendus ? C’est pour cela, n’est-ce pas, que vous souhaitez me les confier ?
    — Oui.
    Il prit entre ses mains le somptueux collier d’émeraudes et de diamants et en caressa les pierres. Puis, toujours sans regarder son hôte, il lâcha :
    — Nous partageons maintenant un lourd secret et dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi je vous cacherais encore quelque chose. Je suis ruiné, mon cher, ou peu s’en faut…
    — Ruiné ? Vous ?
    La surprise de Morosini était sincère. Pour lui, Alberto Manfredi était l’un des hommes les plus riches d’Italie. Mais celui-ci reprenait :
    — Oui, moi !… En dehors de la sépulture à laquelle je faisais allusion il y a un instant, il ne reste rien de mes biens à Vérone. Les gens de Mussolini m’ont tout pris. Il me reste cette villa et quelques miettes. Je songeais même à vendre ma collection de turquoises. Alors ce trésor qui me tombe dessus est incroyablement bienvenu, quelles qu’en soient les circonstances…
    — Je comprends ! fit Morosini avec compassion.
    Manfredi, alors, eut un petit sourire triste :
    — Non, vous ne comprenez pas comment, même amputée, une fortune comme la mienne a pu s’évaporer ? Cela tient en un seul mot : le jeu.
    — Vous jouez ? Vous ?
    — Non, pas moi : ma femme… Oh ! cela ne constitue pas une faille dans notre amour. Elle est la plus merveilleuse des femmes et je tiens à elle plus qu’à tout au monde mais c’est un être humain et tous, tant que nous sommes, nous avons des défauts : elle, c’est celui-là. Et malheureusement, à une demi-heure de bateau d’ici, il y a Campione d’Italia et son fameux casino… La tentation est forte.
    — Et elle ne sait pas y résister. Le lui avez-vous seulement demandé ?
    — Non. Je la veux heureuse. Je suis beaucoup plus âgé qu’elle et ce qu’elle me donne est sans prix…
    — Pas tant d’humilité, je vous en prie ! Vous êtes toujours extrêmement séduisant, mon cher comte, et je vous rappelle qu’une grande-duchesse vient de se suicider pour vous ! Si je comprends bien, la comtesse croit toujours s’appuyer sur une grande fortune ?
    — Exactement. Jusqu’à présent, j’ai réussi à lui cacher mes soucis…
    — Et vous appelez ça être heureux ? Qu’adviendra-t-il quand elle aura tout dévoré ?
    — Ne soyez pas cruel il lui arrive aussi de gagner et là elle montre une joie d’enfant…
    — Je ne doute pas que ce ne soit charmant mais répondez à ma question : qu’arrivera-t-il lorsqu’elle vous aura complètement ruiné ? Acceptera-t-elle la médiocrité ?
    — Je ne le verrai pas, car je mettrai fin à mes jours sachant qu’elle ne sera jamais dans la misère : sa famille a de la fortune même si c’est sa sœur aînée qui la gère par testament du père.
    — C’est ridicule ! Vous devriez lui dire la vérité. Si elle vous aime comme vous le croyez…
    — Je fais mieux que le croire : j’en suis sûr. Vous connaissez sa jalousie puisque nous avons monté une vraie comédie pour éviter un drame.
    Morosini ne répondit pas. L’image qu’il se

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