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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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est vrai.
    Bowler est arrivé de Chine. Nous avons commencé à travailler ensemble sur un long document concernant les communistes chinois. Je crois d’ailleurs que vous lui aviez parlé de Lee Lou Ching il y a des années. Il l’a retrouvé. Il vous enverra le livre, dès qu’il paraîtra.
    Nous nous sommes mariés, Bowler et moi, à la fin juillet.
    Nous aurions dû vous écrire. Nous ne l’avons pas fait.
    C’est tout, mon cher Allen.
    Je suis enceinte de quatre mois et demi. J’appellerai mon fils Jorge.
    Naturellement, il portera le nom de Bowler.
    Je vous embrasse.
    Tina Deutcher-Bowler.

7

LE MILIEU DE LA VIE

1939

Déjà pour chacun d’eux, ce qu’ils croient être le milieu de la vie.
    Tant d’actes accomplis, d’événements subis, de choix qu’ils ont dû faire et de deuils.
    Qu’on se souvienne, Samuel Berelovitz est mort depuis si longtemps, dans ce train qui roulait vers Munich et Ludwig Menninger, mort lui aussi maintenant, et John Gallway et Jean Cordelier, et David Wiesel, et Kostia Loubanski…
    Tant de deuils autour d’eux déjà – et la guerre qu’ils ont vue, Karl Menninger comme Allen Roy Gallway, Lee Lou Ching ou Anna Spasskaia – qu’ils savent n’être que des survivants.
    Ils croient pourtant, alors que commence l’année 1939, qu’ils ne sont qu’au milieu de leur vie.
    Mais qui connaît le moment où se durcit à jamais le regard, où le front devient blanc et froid comme le marbre ?
    Peut-être n’ont-ils devant eux qu’une heure, un jour, un an à rêver.
    Peut-être est-ce dans cette usine de Cologne que visite le colonel Karl Menninger que se fabrique le fusil qui abattra l’un d’eux – dans combien de mois ? Allen Roy Gallway ou Serge Cordelier, Sarah Berelovitz ou Anna Spasskaia ?
    Qui peut le dire en ce mois de janvier 1939 ?
    Chacun d’eux à sa manière imagine l’avenir comme s’il s’agissait d’une boule de glaise qu’on est le seul à pétrir, à modeler.
    Allen Roy Gallway, assis à l’abri du mistral, le dos appuyé aux pierres chauffées par le soleil, regarde le Mas Cordelier où il passe quelques jours, invité par Serge Cordelier et Sarah Berelovitz. Puis il tourne la tête et au delà des oliviers, il voit la mer diaprée. Écrire ici, dans ce pays, acheter une maison dans un village, l’un de ceux qu’on voit perchés en haut de la falaise, Cabris, Spéracèdes ou Mons, Saint-Cézaire. Se fixer pour raconter avec le sang – comme disait Tina. Ne plus se distraire aux jeux du monde. Creuser dans les mots et la mémoire son sillon rouge.
    Une voix, la silhouette de Sarah à l’une des fenêtres du premier étage, au-dessus du porche blanc, de l’inscription « 1777. Jean Cordelier. »
    Sarah crie : « Lettre, Allen, une lettre de New York. »
    Allen court sur le chemin de terre battue, saute les murets, traverse les terrasses caillouteuses. Il aime ce vent tranchant, qui rend le soleil vif. Sarah lui lance la lettre. Elle volette vers lui, heurte la façade, s’écarte. « Je suis bête, dit Sarah, ce vent. » Allen rit, il imagine que Tina lui écrit, qu’elle lui annonce qu’elle arrive avec Jorge, qu’elle se sépare de Bowler, qu’enfin elle a décidé de vivre dans la maison qu’Allen va acheter.
    C’est bien une lettre de Tina. Quelques mots sur une feuille : Meilleurs vœux pour l’année qui vient et une photo : Jorge, debout entre Tina et Bowler.
    — Vous avez vu, Allen ? demande Serge Cordelier.
    Il est sur le seuil du mas, trop préoccupé par ce qu’il a découvert pour percevoir l’émotion d’Allen, cette moue qui alourdit son visage.
    Serge montre la photo d’un magazine.
    — Ils se préparent, dit Serge, ouvertement.
    Une colonne de tanks, lors des manœuvres allemandes d’hiver, roulant le long d’une route de Prusse bordée d’arbres. Sur un terre-plein, un groupe d’officiers.
    Le cliché a été pris de trop loin pour qu’on reconnaisse au deuxième plan, derrière le général Ernst Klein, Karl Menninger qui a été promu, il y a quelques semaines à peine, colonel. Il croise les bras cependant que passent les premiers tanks de la colonne. Il a décidé de quitter l’Abwehr, les bureaux du ministère de renseignements pour un commandement dans un corps d’armée. « Soit, a dit Klein, mais choisissez les armes nobles. Dans la guerre, demain, ce seront les blindés. » Karl se tourne, cherche son fils des yeux. Dietrich, en uniforme de l’organisation de jeunesse

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