Les joyaux de la sorcière
nageurs, des gens qui viennent pique-niquer. Or un rocher qui s’ouvre tout seul ça attire l’attention. Aujourd’hui en particulier, avec les préparatifs du mariage, les curieux devraient se multiplier.
— Si vous êtes venue pour nous dire qu’il n’y a rien à faire, ce n’était pas la peine de vous déranger. Qu’est-ce que vous croyez que je vais faire maintenant ? Aller prendre un bain ?
— Ce ne serait peut-être pas une si mauvaise idée si le rocher donne sur la mer ? émit Pauline. Allons nager par là ! Personne ne fera attention à nous ! Emportons des paniers-repas, allons chercher mon frère et organisons une petite partie de campagne ! Cela nous donnera le loisir d’observer… et de choisir le bon moment. Naturellement vous êtes des nôtres, Miss Parker ?
— Avec joie ! C’est une excellente idée… D’autant que le danger n’est pas immédiat pour le prince puisqu’il est destiné à endosser la responsabilité du meurtre ?
Adalbert bougonna encore un peu mais finit par se ranger à l’opinion majoritaire que John-Augustus rejoignit, lui, sans l’ombre d’une hésitation. Il proposa même d’y aller en bateau ce qui fit hausser les épaules de sa sœur :
— La bonne trouvaille que voilà ! C’est tellement discret un voilier de dix-huit mètres à l’ancre devant un endroit stratégique ! On prend ma voiture et on va s’installer là-bas avec armes et bagages comme n’importe quelle famille bourgeoise qui a envie de prendre l’air dans un coin tranquille.
— Armes et bagages ! C’est le mot qu’il fallait dire ! déclara Belmont. Dites à Beddoes de faire préparer les paniers pique-nique et moi je vais en préparer un à ma façon… avec les outils qui peuvent nous être nécessaires !
— Avez-vous de la dynamite ? demanda soudain Nelly au moment où Beddoes faisait son entrée pour s’enquérir des ordres de son maître. Betty m’en a demandé.
L’œil de John-Augustus s’arrondit :
— Avons-nous ça, Beddoes ?
Du haut de sa dignité celui-ci laissa tomber :
— De la dynamite ? Le chef jardinier devrait en avoir à cause des taupes mais je crois me rappeler que feue la grand-mère de Monsieur s’en était procuré quand Mr Van Buren prétendait agrandir ses communs à nos dépens et je pense savoir où elle la gardait…
— Quelle femme merveilleuse ! soupira Belmont. Elle tenait à honneur de ne jamais laisser sa couvée manquer de quoi que ce soit ! Allons-y ensemble Beddoes ! Nous ajouterons quelques ustensiles dissuasifs… Vous êtes sûr que nous n’avons pas un canon dans nos réserves ?
— Hélas non, Monsieur, et je l’ai toujours déploré. Mr Vanderbilt en possède un magnifique provenant du vaisseau-amiral français Duc de Bourgogne jadis aux ordres de Monsieur le chevalier de Ternay…
— De toute façon, je ne vois pas ce que nous pourrions en faire pour pique-niquer dans les rochers ! tempêta Pauline. Dépêchons-nous un peu !
— Ne nous énervons pas ! On se contentera de dynamite ! J’ai souvent pensé qu’on devrait toujours en emporter pour déjeuner sur l’herbe !
Une demi-heure plus tard, on embarquait dans la voiture de Pauline avec l’entrain et la bonne humeur générés habituellement par une partie de campagne. En apparence du moins car Adalbert bouillait d’impatience et la nervosité de Pauline se sentait à sa façon de passer ses vitesses. Coincée entre eux deux, Nelly répondait de son mieux à leurs questions touchant les moindres détails de sa brève entrevue avec Morosini. À l’arrière, John-Augustus faisait un somme les pieds sur un bien étrange panier-repas…
Il était encore tôt dans la matinée et l’on rencontra peu de monde. En revanche quelques nuages firent leur apparition qui firent froncer le sourcil d’Adalbert :
— S’il se mettait à pleuvoir on aurait bonne mine avec notre déjeuner sur l’herbe, marmotta-t-il.
— Ne vous tourmentez pas pour ça ! dit Pauline. D’abord il y a des parapluies dans le coffre, en outre l’agrément de Newport est que l’on peut s’y livrer aux activités les plus insensées sans que personne y trouve à redire. Or, nous autres les Belmont sommes taxés d’excentricité depuis longtemps… et encore ne sommes-nous pas pires que ceux qui, comme nous, vont aller fêter les noces d’un abominable salaud et d’une voleuse !
Les nuages commençaient à s’amonceler lorsqu’on fut à
Weitere Kostenlose Bücher