Les joyaux de la sorcière
y avait aussi une salle de bains attenante, aveugle mais pourvue de bouches d’aération dans laquelle on l’enferma :
— Faites votre toilette ! intima Crespo. Le patron veut que vous soyez nickel et vous avez ce qu’il faut à votre disposition : savon, rasoir, shampooing, etc.
— Et vous devriez ajouter « N’oubliez pas vos oreilles ! » Cela me rappellerait des souvenirs ! ironisa Aldo.
L’autre se contenta de hausser les épaules et boucla la porte en disant qu’il ouvrirait quand le prisonnier frapperait. Comme cette salle exiguë ne présentait aucun moyen d’évasion, celui-ci remplit la baignoire, se plongea avec bonheur dans l’eau chaude et y laissa son corps se détendre. Depuis l’enfance il détestait se sentir sale et même si cette séance d’ablutions devait être la dernière il y prit un réel plaisir, s’étrilla, se rinça sous la douche puis renonçant à user des eaux de toilette dont il avait reniflé les senteurs d’un nez prudent, se sécha, se rasa et s’enveloppant dans un drap de bains, demanda la porte qui s’ouvrit aussitôt :
— Vous en avez mis du temps ! ronchonna Crespo. Et le patron n’aime pas attendre !
— Tant pis pour lui ! Il n’avait qu’à me loger ailleurs que dans ce trou à rats !
— Et quoi encore ? Dépêchez-vous de vous habiller et d’avaler ce café qui doit être froid !
Il l’était ! Aldo le but sans protester parce qu’à la température près, il n’avait rien perdu de ses qualités. Mieux valait un bon café froid que de l’eau de vaisselle chaude ! Requinqué et réintégré dans ses habits, Aldo suivit son gardien à travers la maison transformée en ruche ouvrière : une armée de serviteurs achevait les préparatifs de l’événement du soir. Il y avait tant de fleurs un peu partout qu’on avait dû les faire venir par bateau, les jardins étant insuffisants pour en produire une telle quantité. Morosini en fit la remarque à Ricci lorsqu’il le rejoignit au même endroit que la veille :
— Je n’en ai jamais vu autant à la fois ! dit-il. Mais c’est peut-être de la prévoyance ? Vous pensez qu’elles pourront servir encore pour les funérailles ?
— Ne soyez pas stupide ! Il n’y aura pas de funérailles !
— Tiens donc ? Auriez-vous renoncé à transformer une jolie femme en un cadavre aussi affreux que pitoyable ?
— Certainement pas ! Ce qui est dû à Cesare doit aller à Cesare. J’ai pris d’autres dispositions ! Il en sera de même pour vous.
— Vous m’ôtez mon rôle d’assassin présomptif ? Comme c’est aimable à vous ! D’autant plus qu’en ce cas vous n’avez plus besoin de moi ?
— C’est assez vrai cependant ne vous réjouissez pas trop ! Pour le plan que j’ai conçu, il est indispensable que vous disparaissiez.
— Voilà qui est affligeant ! Et la raison ?
— Vous en savez trop. En outre vous m’avez passablement agacé lors de notre première rencontre et cela n’a pas cessé !
— J’essaierai de m’en consoler mais, à propos de cesser, ne croyez-vous pas qu’il serait judicieux de renoncer à vos comédies macabres ? Combien de temps croyez-vous que les autorités de ce pays, qui n’a rien à voir avec la jungle, vont rester l’arme au pied et fermer les yeux sur ce qui se passe ici ? Même si Dan Morris est à votre botte, même si vous êtes l’un des piliers de la Mafia, même si cela vous vaut des relations précieuses, il existe des lois fédérales, une puissance fédérale qui finira par vous coincer. Vous devez bien y penser de temps en temps ?
Un curieux sourire s’étala soudain sur le lourd visage qui ne s’en trouva pas embelli.
— Merci de ne pas me prendre pour un imbécile absolu ! Naturellement j’y pense et, tenez, je vais vous faire plaisir : je suis pleinement conscient du péril dont vous me menacez et je suis aujourd’hui en mesure de vous apprendre que le mariage de ce jour sera le dernier. Je vais devenir un veuf inconsolable au point d’aller chercher l’apaisement très loin… et ne jamais revenir.
Aldo releva un sourcil interrogatif :
— Vous allez quitter les États-Unis ? Mais… vos nombreuses affaires ?
— … pourront s’écrouler tranquillement sans que je m’en soucie le moins du monde parce que j’ai depuis longtemps prévu une position de repli pour ma fortune et ma personne. Voyez-vous, Morosini, je sais que les Américains vont connaître, dans
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