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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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l’entraînement, j’ai dû escalader à corps perdu des pentes abruptes. Mais jamais mon cœur ni mes poumons n’ont travaillé avec une ardeur aussi désespérée que ce matin-là de terreur. Nous quittâmes tout de suite la route, craignant d’y rencontrer d’autres cavaliers, et nous coupâmes à travers champs en direction de la maison. Nous vîmes d’autres fermes qui brûlaient.
    — Il faut courir plus vite ! me cria Diomaque en se retournant. Nous avions franchi une lieue, peut-être plus, en direction de la ville, et maintenant nous devions refaire ce chemin en sens inverse à travers des collines rocailleuses et pentues. Des ronces nous lacéraient, des cailloux nous déchiraient les pieds et il nous semblait que nos cœurs allaient se rompre. Je filais au travers d’un champ quand un spectacle me glaça le sang. Des cochons. Trois truies et leurs litières qui trottaient en file indienne en direction des bois. Ils ne couraient pas, ils n’étaient pas affolés, ils allaient d’un pas très rapide et discipliné. Et je pensai : ces cochons passeront la journée et Diomaque et moi, non.
    Nous vîmes encore plus de cavalerie. Une section, puis une autre, des Étoliens de Pleuron et de Kalydon. C’était pire ; cela signifiait que la ville n’avait pas été trahie par un seul allié, mais par toute une coalition. Je criai à Diomaque de s’arrêter ; mon cœur allait exploser d’épuisement.
    — Je te laisse là, crétin ! Et elle me tira de l’avant. Soudain un homme sortit des bois. Mon oncle Ténagre, le père de Diomaque. Il était en chemise de nuit et tenait une lance de huit pieds. Quand il vit Diomaque, il laissa tomber son arme et courut la prendre dans ses bras. Ils s’étreignirent, haletants. Mais cela ne fit qu’aggraver ma terreur.
    — Où est ma mère ? lui demanda Diomaque. Les yeux de Ténagre étaient dévorés de chagrin.
    — Où est ma mère ? criai-je. Est-ce que mon père est avec toi ?
    — Morts. Tous morts.
    — Comment le sais-tu ? Les as-tu vus ?
    — Je les ai vus et tu ne voudrais pas les voir.
    Ténagre reprit sa lance. Il était à bout de souffle, il pleurait ; il avait souillé l’intérieur de ses cuisses. Il avait toujours été mon oncle favori et maintenant je lui portai une haine meurtrière.
    — Tu as fui ! lui criai-je avec la cruauté de l’enfance. Tu as montré tes talons, couard !
    Il se tourna vers moi avec fureur.
    — Va en ville ! Derrière les murs !
    — Et Bruxieus ? Il est vivant ?
    Ténagre m’envoya une gifle si forte qu’elle me fit perdre l’équilibre.
    — Stupide garnement. Tu te soucies plus d’un esclave aveugle que de ton père et de ta mère.
    Diomaque me releva. Je lus dans ses yeux le même désespoir et la même colère. Et Ténagre les vit aussi.
    — Qu’est-ce que tu tiens dans tes mains ? aboya-t-il.
    Je regardai ; c’étaient mes œufs de lagopède, toujours serrés dans un chiffon. Le poing calleux de Ténagre s’abattit sur mes mains et fracassa les œufs ; ils tombèrent à mes pieds en un tas visqueux.
    — Va en ville, garnement insolent ! Va derrière les murs !

4
    Sa Majesté a présidé au pillage d’innombrables villes et n’a guère besoin d’écouter les détails de la semaine qui suivit. Je n’ajouterai que les impressions d’un garçon saisi par la terreur et l’horreur, privé d’un seul coup de mère et de père, de famille, de clan, de tribu et de ville. Car c’était la première fois que je voyais ces spectacles dont l’expérience apprend qu’ils sont communs à toutes les batailles et à tous les massacres. J’appris alors qu’il y a toujours un incendie qui brûle quelque part.
    De jour et de nuit flotte une fumée âcre et sulfureuse qui suffoque les narines. Le soleil a une couleur cendreuse et des pierres noires et fumantes jonchent les routes. Partout où le regard se porte, quelque chose brûle. Du bois, de la chair, la terre elle-même. Même l’eau brûle. Le feu impitoyable renforce le sentiment de la colère des dieux, du destin, de la punition pour ce qu’on a fait et qu’on paie au prix de l’enfer.
    Tout est à l’envers. Ce qui se dressait est tombé, ce qui est délié devrait être attaché et ce qui est attaché devrait être délié. Ce qu’on préservait soigneusement au secret est étalé aux yeux de tous, et ceux qui le préservaient le regardent d’un œil morne et le laissent à l’abandon.
    Les garçons sont

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