Les pièges du désir

dans toutes les salles. Il y a là quelqu’un dont tu dois absolument faire la connaissance. 
    La jeune fille lança à Jack un regard d’excuse, tandis que sa compagne la tirait par le bras. 
    – Viens, dépêchons-nous. 
    Jack s’inclina et son inconnue le gratifia d’une hâtive révérence avant de se laisser entraîner. 
    Ariana . Il se répéta ce nom à part lui. Un nom aussi original et charmant que celle qui le portait… 
    ***
    Ariana Blane jeta un dernier regard au gentilhomme de haute taille à qui elle avait si hardiment adressé la parole. Elle le quittait à regret, sûre de préférer sa compagnie à celle de la personne que sa mère tenait tant à lui présenter. 
    Elle l’oublierait difficilement, à coup sûr. Un homme si grand, si bien fait et musclé ! Il portait son habit avec tant de prestance qu’on en oubliait qu’il n’était pas tout à fait vêtu à la dernière mode. Ses traits étaient fermes et ciselés – le visage d’un homme sur qui on pouvait compter. Ses cheveux sombres bouclaient légèrement et un soupçon de barbe ombrait ses joues en ce milieu d’après-midi, ce qui lui donnait un petit air voyou particulièrement irrésistible… 
    Mais ce qui l’avait incitée à l’aborder, c’était ce moment de fugace émotion qu’elle avait surpris chez lui. Personne d’autre n’avait dû s’en apercevoir, mais quelque chose l’avait secoué et il avait lutté pour surmonter son émoi. Tout cela n’avait duré qu’un instant, bien sûr… 
    Lorsqu’elle s’était approchée de lui, ses yeux l’avaient aussitôt captivée, un regard d’un brun doré comme elle n’en avait jamais croisé jusque-là. Celui d’un homme qui en a vu bien plus dans la vie qu’il ne l’aurait souhaité… et assez clairvoyant pour détecter en elle bien plus qu’elle ne voulait montrer. 
    Elle soupira. Un inconnu très énigmatique ! 
    Il était sur le point de se présenter quand sa mère les avait interrompus. Ariana le regrettait. Il n’était pas dans ses habitudes de manifester le moindre intérêt pour un homme, mais celui-ci avait piqué sa curiosité. Malheureusement, elle risquait fort de ne jamais le revoir… 
    A moins qu’elle ne réussisse à monter sur scène à Londres, comme elle en avait bien l’intention. Dans ce cas, il la verrait peut-être jouer et pourrait lui rendre visite ensuite au foyer du théâtre, la fameuse Green Room. 
    – Allons, ne te fais pas traîner ! lui intima sèchement sa mère. 
    Elle la conduisit vers un gentleman à l’air digne, au corps massif et vibrant d’énergie contrôlée. Ariana haussa les sourcils, agréablement surprise. L’homme ne ressemblait en rien aux aristocrates fortunés et vieillissants que sa mère s’obstinait à lui faire connaître. A croire qu’elle souhaitait la jeter dans les bras de quelque protecteur, plutôt que de l’aider à commencer une carrière sur les scènes londoniennes ! 
    Evidemment, Daphné Blane, elle, avait eu les deux. Et il était sans doute normal qu’elle veuille le même avenir pour sa fille. 
    – Permettez-moi, monsieur Arnold… 
    D’un mince sourire, elle avertit Ariana que cette présentation n’était pas anodine. 
    – Voici ma fille, miss Ariana Blane. 
    Daphné n’aurait pas dû s’inquiéter. Ariana identifia aussitôt leur interlocuteur et lui adressa son plus éblouissant sourire, accompagné d’une gracieuse révérence. 
    – Enchantée, monsieur. 
    – Mais elle est délicieuse, ma chère Daphné ! Ravissante, vraiment. 
    Daphné Blane pinça les lèvres, moins heureuse que sa fille de cet éloge enthousiaste. 
    – M. Arnold est le directeur du théâtre de Drury Lane, ma chérie. 
    Ariana l’arrêta d’un geste. 
    – Mais, maman, tout le monde du théâtre sait qui est M. Arnold ! Très honorée de faire votre connaissance, monsieur, ajouta-t–elle en tendant la main à ce dernier. 
    – Moi de même, miss Blane. 
    Ariana pencha la tête vers lui. 
    – Votre théâtre s’est vu insuffler une nouvelle vie, grâce au remarquable Edmund Kean. 
    La prestation de Kean dans le Marchand de Venise – il avait interprété Shylock – avait fait sensation et la critique l’avait unanimement saluée. 
    L’homme sourit. 
    – L’avez-vous vu jouer ? 
    – Oh, oui ! Et j’ai été très impressionnée. 
    Daphné Blane parut étonnée. 
    – Tu as vu la pièce ? Je ne savais pas que tu étais venue à