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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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des
grossièretés. Il aurait aimé pouvoir commenter ces nouvelles avec Arbasia, mais
le maestro avait quitté Cordoue depuis plusieurs mois pour peindre dans le
palais del Viso, à la demande de don Álvaro de Bazán, marquis de Santa Cruz. Il
avait laissé derrière lui une majestueuse chapelle du Sanctuaire dans laquelle
se détachait cette silhouette énigmatique pour Hernando, qui s’appuyait sur
Jésus-Christ pendant la Cène.
    — Lutte pour ta cause, Hernando, l’avait-il exhorté,
déjà à dos de mule.
    Mais comment lutter contre le projet de castrer tous les
Maures ?
    — Chiens hypocrites ! s’écria-t-il dans le silence
de la bibliothèque.
    Lors d’une discussion, Arbasia lui avait décrit le roi
Philippe II comme un menteur. « Votre pieux roi n’est qu’un
fourbe », avait-il dit sans ambages à Hernando.
    — Peu de gens savent, lui avait-il raconté, que le
monarque possède une série de tableaux érotiques qu’il a commandés lui-même au
grand maestro Titien. J’ai eu l’occasion de voir l’un d’eux à Venise, une œuvre
d’art représentant Vénus nue, lascivement enlacée à Adonis. Nombreux sont les
tableaux que Titien a peints pour le roi chrétien, représentant des déesses
nues dans différentes positions. « Pour qu’elles soient plus agréables à
la vue », a écrit le maestro à ton roi. Aucune femme chrétienne n’oserait
se jeter sur son époux comme le fait la Vénus du Titien.
    Pendant un instant, Hernando avait laissé errer ses
souvenirs du côté d’Isabel.
    — À quoi penses-tu ? avait demandé le peintre en
le voyant pensif.
    — Aux femmes chrétiennes. À leur situation…
    — Vous autres n’avez aucune considération pour les
femmes. Elles sont seulement vos prisonnières, incapables de faire quoi que ce
soit pour elles-mêmes. N’est-ce pas ce qu’a dit votre Prophète ?
    Hernando avait acquiescé en silence.
    — Oui, avait renchéri le peintre après réflexion, les
deux religions les ont écartées. En cela nous nous ressemblons. À tel point que
nous sommes même d’accord sur la Vierge Marie : chrétiens et musulmans
croient en elle de façon similaire. Mais c’est comme si le fait de s’accorder
sur la même femme, bien qu’il s’agisse de la mère de Jésus, n’avait aucune
importance…
    Au souvenir de cette conversation avec Arbasia, Hernando
arrêta ses pénibles allées et venues dans la bibliothèque du palais. La Vierge
Marie ! C’était véritablement un point d’union entre chrétiens et
musulmans. Pourquoi se démener à démontrer la bienveillance des conquistadores
arabes à l’encontre des chrétiens, comme le prétendait Luna, alors qu’ils
disposaient d’un élément de parenté indiscutable entre les deux
communautés ? Quel meilleur argument que celui-ci ? Même l’évangile
de Barnabé coïncidait avec la version des autres évangiles manipulés par les
papes et que les chrétiens considéraient comme véritables ! Pourquoi ne
pas entreprendre ce chemin d’union qui permettrait la cohabitation des
religions à travers l’unique personne sur laquelle tout le monde semblait être
d’accord ? L’Espagne entière vivait une époque de dévotion mariale proche
du fanatisme ; les exigences vis-à-vis de Rome étaient constantes pour que
soit déclarée dogme de foi la conception immaculée de Marie. Même Dieu,
identique pour les deux religions, le Dieu d’Abraham, ne pourrait arriver à
susciter la même unanimité : les chrétiens l’avaient dénaturé avec leur
doctrine de la Très Sainte-Trinité.
    Pendant plusieurs jours, Hernando ne put se concentrer sur
ses tâches. Il avait envoyé à Grenade son rapport sur les massacres de Juviles
et, à sa surprise, car il croyait qu’après l’avoir lu le conseil de la
cathédrale renoncerait à leur collaboration, ce dernier lui avait demandé des
informations sur les événements survenus à Cuxurio, où Ubaid avait arraché le
cœur de Gonzalico. Quelles excuses trouverait-il à ce carnage ? Là-bas,
aucun chef maure n’avait arrêté la tuerie. Il mit de côté sa transcription de
l’évangile de Barnabé, ainsi que ses écrits pour Luna, et se plongea dans la
calligraphie. Il avait réussi à se procurer de bons roseaux pour fabriquer des
plumes, la pointe légèrement inclinée sur la droite, selon les recommandations
d’Ibn Muqla ; néanmoins, il avait du mal à trouver le point exact à partir
duquel il devait tailler cette courbe,

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