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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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chaque tir.
    — Partons d’ici ! enjoignit-il Aisha et Fatima.
    Les deux femmes se figèrent pendant quelques instants,
stupéfaites, devant la fuite de leur armée.
    — Aidez-moi ! insista Hernando.
    Il n’eut pas besoin de demander des instructions. Lorsqu’il
réussit à équiper le troupeau, il constata qu’à l’autre bout du filage Abén
Humeya s’enfuyait à bride abattue. Brahim et d’autres cavaliers éperonnaient
violemment leurs chevaux à la suite du roi. Les soldats cantonnés à Paterna
s’échappaient également. C’était la débandade. Les tirs et les
« Santiago ! » des poursuivants étaient déjà clairement
perceptibles.
    — Et maintenant ? demanda Fatima derrière lui.
    — Par là ! On va grimper au col de la Ragua !
répondit-il, et il montra la direction opposée à celle vers laquelle fuyaient
le roi et ses hommes, poursuivis par les chrétiens.
    Fatima et Aisha regardèrent l’endroit qu’il désignait. La
jeune fille voulut dire quelque chose, mais elle parvint seulement à bredouiller
deux mots inintelligibles tout en serrant Humam contre sa poitrine. Aisha avait
la bouche ouverte. On ne distinguait aucun chemin ! Seulement de la neige
et des rochers !
    — Allez, la Vieille !
    Hernando attrapa la mule par le licou et l’obligea à prendre
la tête du cortège.
    — Trouve-nous un chemin vers le sommet, murmura-t-il en
lui tapotant le cou.
    La Vieille se mit à sonder la neige à chaque pas et,
lentement, ils entreprirent leur ascension. La neige, qui tombait à présent en
abondance, les cacha de la vue des chrétiens.

 
12.
    Le col de la Ragua s’élevait à plus de deux aunes
castillanes et constituait le passage pour franchir la Sierra Nevada en
direction de Grenade sans avoir à contourner la chaîne montagneuse. Hernando le
connaissait. En haut s’étendaient des plaines, de bons pâturages de printemps
où certainement, pensa le garçon, s’étaient rendus les Maures en fuite ;
il y avait peu d’autres endroits où ils pouvaient se cacher et se regrouper.
Sur le versant nord du col, celui qui menait à Grenade, se dressait l’imposant
château de la Calahorra, mais sur le versant qui conduisait aux Alpujarras il
n’existait aucune défense.
    Hernando connaissait également en détail le ravin qui
s’ouvrait non loin au pied d’une colline qui lui servait de référence, à plus
de deux mille quatre cents aunes de hauteur : c’est là qu’il venait
chercher de nombreuses herbes indispensables aux potions des animaux. À la fin
de l’été, le lit du ravin se couvrait de grandes fleurs bleues aussi jolies que
dangereuses : les fleurs de l’aconit. Tout en elles était vénéneux, des
pétales aux racines. Leur utilisation médicinale était extrêmement compliquée
et elle constituait la première fleur de l’herboristerie que lui avait demandée
Brahim au moment du soulèvement. Depuis très longtemps, les musulmans
imprégnaient leurs flèches de sève d’aconit : l’homme atteint par une
flèche mourait dans des convulsions, de la bave, sauf s’il buvait du jus de
coing. Mais comme l’été précédent personne n’avait prévu la guerre qui allait
se déclarer, on découvrit l’hiver venu que les réserves d’aconit étaient bien
pauvres.
    Hernando essayait de se rappeler ce brillant manteau bleu,
mais la tempête l’en empêchait. Il continuait en tête, accroché au flanc de la Vieille
pour ne pas faire de faux pas, la stimulant avec insistance pour qu’elle grimpe
et cherche le sol ferme sous la neige. Il tournait sans cesse la tête, les
cheveux et les sourcils couverts de givre, pour tâcher de distinguer le
troupeau à travers la bourrasque. Il ordonna à sa mère et à Fatima de
s’agripper à la queue d’un animal et de ne pas perdre de vue la trace de ses
pas qui disparaissait si rapidement. Musa, le plus petit de ses frères,
marchait avec Aisha ; Aquil avançait seul. Les autres mules paraissaient
comprendre qu’elles devaient suivre la Vieille, et toute la file piétinait avec
précaution. Mais le soleil commençait à se coucher et, dans l’obscurité, même
la Vieille serait incapable de poursuivre.
    Il leur fallait un refuge. À Paterna del Río, ils prirent la
direction de l’est, évitant d’aller vers les zones où il y aurait à coup sûr
des chrétiens. Ils devaient trouver le chemin qui montait de Bayárcal au col de
la Ragua, mais bientôt il fut évident qu’ils n’allaient pas avoir le

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