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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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temps avant
la tombée de la nuit. Dans la tempête de neige, Hernando crut voir une
formation rocheuse, et c’est vers celle-ci qu’il dirigea la Vieille.
    Ce n’était même pas une grotte ; malgré tout, jugea le
garçon, ils pouvaient se protéger de la tempête sous les saillies de la roche.
Le troupeau ramena sa mère et Fatima, qui se traînaient derrière les mules,
recroquevillées, les lèvres violacées et les mains agrippées à la queue des
bêtes. Fatima n’utilisait qu’une seule de ses mains, pressant de l’autre son
bébé entre ses vêtements.
    Hernando disposa les mules contre le vent. Puis il inspecta
l’endroit d’un coup d’œil rapide : le silex et le fer qu’il portait
toujours sur lui ne lui servaient à rien. Ici, dans la neige, il n’y avait
aucune possibilité d’allumer un feu ; pas plus que de trouver des branches
sèches ou des feuilles mortes. Seulement des rochers et de la neige !
N’aurait-il mieux pas valu que les chrétiens les fassent prisonniers ?
s’interrogea-t-il, en constatant que la faible lumière qui jusque-là les avait
accompagnés dans la tempête commençait à décroître.
    — Comment va le petit ? demanda-t-il à Fatima.
    La jeune fille ne lui répondit pas. Par-dessus ses habits,
elle frottait son fils des deux mains.
    — Il bouge ? insista-t-il. Il vit ?
    La question se coinça dans sa gorge.
    Fatima hocha la tête sans s’arrêter de frotter. Elle
détourna alors les yeux vers la tempête et la nuit qui les recouvrirait
bientôt. Un soupir craintif s’échappa de ses lèvres.
    Pourquoi avaient-ils entrepris de fuir ? Hernando se
tourna alors vers sa mère : elle serrait dans ses bras chacun de ses
frères. Aquil tremblait sans pouvoir empêcher ses dents de claquer. Musa, qui
avait seulement quatre ans, demeurait immobile, engourdi. Pourquoi les avait-il
entraînés dans cette aventure ? C’étaient des femmes et des enfants !
La nuit s’imposait. La nuit…
    Il prit des poignées de neige et les porta à son visage, ses
cheveux et sa nuque ; puis il se lava les mains, s’agenouilla sur le blanc
manteau humide et pria à haute voix, criant, suppliant le Miséricordieux, car
c’était pour Lui qu’ils luttaient et risquaient leurs vies, qui… Il n’arriva
pas à finir ses prières. Il se releva brusquement. L’or ! Parmi le butin
il y avait plein d’habits ! Des dizaines de chasubles et d’ornements en
soie brodée de fils d’or et d’argent. En quoi serviraient-ils à son peuple
s’ils mouraient ? Il fouilla entre les mules et en peu de temps réussit à
envelopper femmes et enfants dans de luxueuses parures. Puis il déharnacha les
bêtes. Les sacs aussi seraient utiles ; certains étaient en cuir… Les
harnais également ! À l’exception des pièces d’or qu’il enfouit dans un
des sacs en sparte, il ôta le reste du butin et entassa besaces et harnais sur
la neige, en guise de sol, tout près du mur.
    — Contre la roche, leur dit-il. Ne vous laissez pas
tomber sur la neige. Tenez bon toute la nuit, contre la roche.
    Il s’emmitoufla lui aussi, mais juste ce qu’il
fallait : il avait besoin de conserver une liberté de mouvement dont les
autres étaient privés. Il fallait qu’il veille à ce que personne ne tombe dans
la neige et mouille ses habits ! Il arrima ensuite les mules contre les
femmes et les enfants. Il les attacha les unes aux autres, les unes contre les
autres, de sorte qu’elles ne puissent plus bouger, et les poussa de l’extérieur.
Il lança le licou de la dernière mule vers la paroi et se traîna sous les
pattes des animaux jusqu’à la roche. Il se remit péniblement debout entre
Fatima et Aisha. La Vieille, qui était restée tout près des femmes et des
enfants, l’observait impassible.
    La Vieille, lui dit-il en se redressant, demain tu auras
encore du travail. Je te le garantis.
    Il tira sur le licou qu’il avait lancé au-dessus des bêtes
et le maintint fermement : aucune d’elles ne devait bouger.
    Allahu Akbar ! soupira-t-il en sentant la
protection des vêtements et des animaux.
    La tempête redoubla pendant la nuit ; pourtant,
Hernando se laissa vaincre par un demi-sommeil lorsqu’il constata avec
satisfaction qu’aucun d’eux ne pouvait tomber par terre, coincés comme ils
l’étaient entre la roche et les mules, protégés du vent, du froid et de la
neige.
    Il s’éveilla sous le soleil et dans le silence. Le reflet de
l’astre sur la neige blessait les

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