L'holocauste oublié
les détenus. Chaque brigade prend la faction à son tour pour vingt-quatre heures de 17 heures à 17 heures. Une sentinelle installée dans un mirador scrute l’ensemble du camp, une autre fait les cent pas sur la route d’Arnage, une troisième garde la porte d’entrée. Le camp, qui compte trente-cinq baraques, groupées dans l’angle nord-ouest de l’immense surface occupée par toutes les installations, est divisé en trois quartiers, chacun sous la responsabilité d’un brigadier qui y assure la distribution de la soupe (les nomades s’y présentent à la cuisine par petits groupes) et l’appel journalier au cours duquel les malades se font connaître. L’eau est ouverte de 9 heures à 10 heures et de 15 heures à 16 heures. L’allumage de feux est interdit la nuit. Les salaires journaliers des employés sont les suivants : 50 F pour l’inspecteur chef, 30 F pour un gardien, 35 à 30 F pour les administratifs, 20 F pour les aides des différents services.
— Le nombre de gardiens est insuffisant et les évasions sont tout aussi nombreuses qu’à Coudrecieux.
— La Croix-Rouge et le Secours National visitent le camp à différentes reprises.
— Les Alliés ayant commencé à bombarder des objectifs en France, les Allemands craignent des attaques aériennes sur la gare de triage, les usines Renault, les usines Gnome et Rhône, le terrain d’aviation qui sont relativement proches du camp de Mulsanne, et la fermeture de ce camp est décidée. Elle est effective à partir du 3 août 1942 : les 717 nomades présents sont dirigés sur Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) par cinquante gendarmes et vingt gardiens. Ils embarquent à la gare d’Arnage. Les filles soumises sont évacuées sur le camp de Raincourt (Seine-et-Oise) où les hommes sont totalement séparés des femmes : elles entreront ensuite à l’hôpital d’Orsay où l’on s’efforcera enfin de les guérir. Le camp de Mulsanne ne sera rouvert qu’en août 1944 pour recevoir, juste retour des choses, de nombreux prisonniers allemands. Toutefois, un commando de quatre-vingt-cinq nomades, venu de Montreuil-Bellay sera utilisé, fin 1942, par les usines Renault. Les hommes logeront dans l’ancien dépôt de prisonniers de guerre, à La Foucaudière, à l’entrée de la gare de triage, un des endroits de l’agglomération mancelle les plus exposés aux bombardements. Les usines Renault les renverront bientôt à Montreuil-Bellay, parce qu’ils ne pourront s’adapter au travail qu’on leur demandera.
— Que deviendront par la suite, les nomades de Montreuil-Bellay ? Seront-ils voués partiellement à l’extermination ? Cela, nous ne pouvons le dire.
*
* *
Il est inutile, je pense, de s’attarder sur les autres archives départementales françaises concernant les camps de concentration tsiganes, nous retrouverions les mêmes correspondances, les mêmes rapports, les mêmes décisions. Une ombre, une « absence » dans cette avalanche peut-être fastidieuse mais nécessaire de documents, les textes se rapportant à la déportation vers l’Allemagne, les territoires de l’Est ou Le Struthof en Alsace, des tsiganes de France. Ces archives-là qui dépendaient des autorités allemandes ou du Commissariat aux Questions Juives, ont en majeure partie été détruites. Nous ferons donc appel aux témoignages.
LES LARMES DE SANG
Ce que nous ont infligé les Allemands durant 1943 et 1944
Oh ! cher peuple (25)
Je n’aime pas à me souvenir
De tant de malheur
Mon cœur se glace et pleure…
Mais je dois chanter
Les méchants désirent la guerre
Qu’ils sachent
Comme elle est terrible.
Dieu en préserve tous
De la grande misère,
De la grande épreuve,
Des larmes de sang.
Combien a souffert
Le petit enfant juif,
Le cœur d’une mère tsigane
Et l’enfant tsigane.
Dans la forêt,
Pas d’eau, pas de feu
Et la faim est grande,
Pas de tentes pour poser la tête.
Gare de faire du feu,
Un panache de fumée
Peut trahir, attirer L’Allemand.
Comment vivre
Avec de petits enfants
En hiver, si long,
Dévêtus, déchaussés.
Un soldat arrive la nuit,
J’ai mauvaise nouvelle, il dit.
On tue tous les tsiganes.
De ma visite, ne soufflez point mot,
Je suis moi-même un vrai tsigane noir,
Que Dieu vous bénisse tous, il dit encore
Nous embrasse et disparaît.
Nous fuyons loin, loin,
Au fond de la forêt.
Toute la famille tsigane,
Une
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