L'holocauste oublié
se présentait n’était que momentanée et que le personnel sanitaire ne manquerait pas de transporter la femme en couches sur un brancard à l’hôpital. Il nous semblait que quelqu’un de responsable apporterait à la malade l’aide de l’hôpital. Habituées aux rapports humains, nous avions cette simple conviction que dans un pareil cas on laissait de côté tout pour apporter instinctivement secours à un être humain, voire même à un animal.
— Cependant, nous ne voyions toujours pas venir le brancard attendu. Ce fait commença à nous étonner, mais fidèles toujours à la manière de penser humanitaire que nous avait inculquée notre éducation, nous nous l’expliquions par l’existence de quelques empêchements imprévus. Nous posâmes la question aux femmes de garde, à des détenues plus âgées pour connaître la raison du retard apporté au transport de la malade à l’hôpital. Nous reçûmes des réponses très diverses : « On n’a pas le temps. » « Au fond, c’est égal où elle accouchera. » « Elle ne peut pas sortir d’ici avant que tout le monde ne soit passé par le bureau d’enregistrement. » Nous recevons également une réponse qui renferme une sentence peu claire et inquiétante : « Cela n’a pas d’importance. » Nous n’y comprenons rien. Une de nos femmes rapporte déjà qu’il y a quelque chose de mauvais qui se passe au camp avec les tsiganes. Nous n’en savons encore rien, mais la question posée ainsi rend nos cœurs tout serrés d’inquiétude.
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Le Kommando « clôtures » des différents camps ou « territoires » d’Auschwitz est presque exclusivement composé de tsiganes. Forgerons de formation, ils se sont très vite adaptés à la pose et à l’entretien des barbelés. Les crucifix et les sceaux de Salomon qui s’échangent dans le camp contre deux, cinq ou dix rations de pain, suivant le modèle, sortent d’un atelier clandestin aménagé dans les garages S.S. Le chef du Kommando est un tsigane autrichien d’Unterwart. Plusieurs membres de cette communauté sont d’ailleurs répartis dans les différents services d’entretien et la « légende » d’Auschwitz affirme que les tsiganes des « clôtures » ont réussi à forger plusieurs revolvers qui serviront « le moment venu » en appui de « la grande attaque des partisans ».
Le village tsigane d’Unterwart a été étudié par un historien autrichien du Burgenland : Joseph Bartha (39) .
— En 1938, la colonie tsigane d’Unterwart « Ciganyoavas » comprenait 32 huttes habitées par 228 personnes.
— En août 1938, le commandant national-socialiste docteur Tobias Portschy, installé par les forces d’occupation allemandes, avait demandé, dans une ordonnance sur le problème des tsiganes du Burgenland, de les assimiler aux juifs, de les stériliser et de leur interdire les rapports sexuels avec des non-tsiganes. Il interdit aussi, au nom de leur indignité, leur scolarisation et leur accès au service militaire, et imposa leur internement dans des camps de travail.
— Selon un texte intitulé : « Lutte préventive contre les crimes », on déporta dès 1938 environ 20 tsiganes d’Unterwart qui avaient été classés « asociaux » par la police criminelle, plus du double (y compris des innocents) eurent le même sort en juin 1939.
— L’acharnement et la minutie des services nazis pour préparer l’anéantissement des tsiganes ressort, par exemple, de l’édit confidentiel qu’avait adressé le préfet de l’époque à tous les maires de la circonscription d’Oberwart (Reidisgau) :
— « Ainsi que je l’ai déjà annoncé au dernier Comité des maires, il faut envisager une solution définitive à la question tsigane, même si la date n’en est pas encore fixée.
— Puisque l’on a constaté que certains tsiganes sont propriétaires terriens, il serait utile que ceux-ci soient sommés de vendre leurs terres dès aujourd’hui à des citoyens allemands ou aux communes pour un prix déterminé.
— « Je prie donc les maires d’obliger les tsiganes en question à vendre dès aujourd’hui leurs propriétés par des moyens appropriés. Mais ceci doit se faire de telle sorte qu’ils n’en ressentent aucune inquiétude, ni qu’ils n’en viennent à penser que leur évacuation pourrait être imminente.
— « Par principe, je ne m’oppose pas à ce que les huttes d’habitation soient vendues, mais
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