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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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métaphore que d’affirmer que le sang coulait dans les rues : piques et haches avaient fait seize cents victimes de tous âges et des deux sexes.
    Le dieu de la guerre allait, peu après, faire un miracle en notre faveur : la victoire de Valmy.
    Cette bataille se résuma à un duel d’artillerie. Je me trouvais au pied du célèbre moulin, sans rien observer d’autre que les gros nuages de fumée blanche montant des batteries. Au grondement des canons répondaient dans nos rangs descris : « Vive la nation ! », et le chant de La Marseillaise . Impressionné par cette nuée d’enragés prête à fondre sur lui, l’ennemi s’était retiré.
    Nous avions coupé la route de Paris au duc de Brunswick.

    Sans nouvelles de François Fournier, je me consolai en apprenant les succès de nos troupes dans les Alpes : elles avaient enlevé la Savoie au roi de Sardaigne et avaient été accueillies dans le comté de Nice par des fleurs et des vivats.
    Peu soucieux de salir mes bottes sur des chemins boueux d’Allemagne, j’adressai une requête au ministère de la Guerre, en arguant de mes antécédents, peu glorieux il est vrai. Je souhaitais être affecté dans un régiment de chasseurs à cheval. Elle demeura lettre morte.
    La victoire de Jemmapes allait me permettre de donner ma mesure. Elle fit pousser des ailes à nos armées, commandées par des officiers jeunes et ardents. Nous avions donné du fil à retordre au général autrichien, le comte de Clerfayt.

    La France entière se passionna pour le procès du roi.
    Emprisonné au Temple, il n’était plus qu’une ombre que sa mort sur l’échafaud effacerait dans le sang. Le bourreau Sanson connaissait son heure de gloire, mais la honte rejaillirait sur les cours européennes. Nous allions bientôt avoir à les affronter.
    Après Jemmapes, je m’étais imaginé entrant dans Vienne sous nos drapeaux. Je me trouvais pataugeant dans la boue malaxée par les colonnes précédentes, à travers des pays qui ne ressemblaient à rien. Je me tricotais une philosophie : mieux valait, me disais-je, me trouver là que de massacrer des paysans en Vendée.

    Au mois de mars de l’année 1793, un coup de théâtre ébranla le moral de nos armées : la destitution du général Dumouriez, le héros de Valmy. Il l’avait bien cherchée !Pourquoi s’était-il mis en tête de faire la paix avec l’Autriche, moyennant cette utopie : la restauration de la monarchie ? Il parvint à déserter et finit sa vie en exil.
    J’avais du mal à comprendre pourquoi l’ennemi n’était pas parvenu aux portes de Paris, alors que le gouvernement ne se maintenait plus que par la Terreur, que la disette annonçait la famine et que l’insurrection menaçait de gagner toutes les provinces. À croire que notre adversaire répugnait à faire la guerre ou était incapable de la mener à bien.

    Victoires… défaites… marches et contremarches, tel était notre lot.
    Las de tourner en rond, affamés, piétinant la boue ou la rocaille, souvent sans chaussures, nos soldats n’aspiraient qu’à remporter une grande bataille ou à rentrer dans leur foyer. Mes bottes avaient perdu la moitié de leur semelle et il n’y avait aucun cordonnier pour les rapetasser. En proie à la dysenterie, rongé par les poux, l’estomac creux, j’avais l’impression d’être une bête de somme cheminant dans un troupeau. Je songeais à Fournier qui devait parader à cheval dans les rues de Nice. Se souvenait-il seulement de moi ? Le reverrais-je, une fois la paix revenue ? Si à Paris la Terreur battait son plein, l’horreur pour nous était quotidienne.
    Dans notre marasme, nous avions une chance : la mésentente régnant dans les états-majors alliés, autrichiens, prussiens et anglais, ces derniers ayant renoncé à leur neutralité.
    J’étais dans l’armée du Nord lorsque le général Houchard, affrontant l’armée du duc d’York, en fit de la charpie. À Hondschoote, dans la Flandre, je reçus ma première bénédiction : banale estafilade d’une balle anglaise à l’épaule droite.
    Houchard, n’ayant pas persisté dans le siège de Menin, fut rappelé par la Convention qui mit fin à sa carrière par le couperet. La Révolution, comme Moloch, dévorait ses enfants.
    Le cœur serré, j’appris, en octobre, la mort sur l’échafaud de la pauvre Marie-Antoinette, au milieu d’une foule délirante. Sacrifice inutile. La déesse Raison, que l’on célébrait dans la capitale,

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