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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’Acre ne vaut pas la perte de quelques jours. Les braves que je devrais d’ailleurs y perdre sont aujourd’hui nécessaires pour des opérations plus essentielles… Soldats, nous avons une carrière de fatigue et de dangers à courir… Vous y trouverez une nouvelle occasion de gloire. »
    La décision est prise.
    — Il faut organiser la retraite dit-il, faire sauter les pièces d’artillerie après qu’elles auront bombardé jusqu’au bout Saint-Jean-d’Acre. Puis se mettre en marche, exiger qu’à chaque traversée de village on défile, les drapeaux pris à l’ennemi passant en tête, avec la musique.
    Il ordonne qu’on charge les blessés sur les chevaux. Tous les hommes valides à pied.
    — Général, quel cheval vous réservez-vous ? demande l’ordonnance.
    — Que tout le monde aille à pied, foutre, moi le premier : ne connaissez-vous pas l’ordre ?
    Il marche en tête. Il a mis sa voiture à la disposition de Monge et de Berthollet et du mathématicien Gostaz, tous trois malades. Dans les rues d’Haïfa, sur la place de Tantourah, à Jaffa, des blessés et des pestiférés se traînent. On les porte, on les abandonne. Certains demandent qu’on les achève.
    Napoléon, après avoir visité une nouvelle fois l’hôpital de Jaffa, s’approche du docteur Desgenettes.
    Il le fixe longuement. Il y a une trentaine de malades intransportables.
    — De l’opium, dit-il seulement.
    Desgenettes a un mouvement de tout son corps.
    — Mon devoir à moi est de conserver, dit-il.
    Il n’empoisonnera pas ces malades.
    — Je ne cherche pas à vaincre vos répugnances, répond Napoléon. Mais mon devoir à moi, c’est de conserver l’armée.
    Il s’éloigne. Il trouvera des hommes pour laisser de l’opium aux pestiférés.
    — Si j’avais la peste…, commence-t-il.
    Il voudrait qu’on lui accorde cette faveur.
    Il reprend la tête de la marche, cependant que les sapeurs font sauter les fortifications de Jaffa.
    Il faut avancer, entendre les coups de feu de soldats qui se suicident, à qui des compagnons font la grâce, à leur demande, de les tuer.
    Les champs sont en feu. Les bateaux anglais tirent sur la colonne que des Bédouins harcèlent.
    Ils arrivent enfin à Salahyeh, le 9 juin, après avoir traversé le désert du Sinaï.
    Napoléon sait que la troupe gronde. Qu’est-ce qu’une armée qui doute et se rebelle ? Il doit reprendre les soldats en main. Il est depuis toujours un officier. « Les motionneurs » doivent être punis, écrit-il, si besoin est par la peine de mort, si l’indiscipline se produit lors d’une marche forcée ou sous le feu.
     
    Le 17 juin 1799, il entre au Caire par la porte de la Victoire, Bab el Nasr. Il a donné des ordres au commandant de la garnison, le général Dugua, pour que l’accueil soit triomphal. Des palmes ont été jetées sur le sol. Les musiques jouent, la foule des badauds se presse. Les drapeaux pris à l’ennemi ouvrent la marche.
    Napoléon, arrivé place Ezbekieh, s’installe au centre, voit défiler devant lui ces hommes au port martial, chacun portant à son drapeau une feuille de palmier.
    La forteresse de Saint-Jean-d’Acre, les cris des fusillés de Jaffa, les plaintes des pestiférés, tout cela disparaît dans un passé qui lui semble déjà lointain.
    Il est vivant. Il rentre en vainqueur. L’avenir continue.
    Il se dirige vers le palais.
    Pauline Fourès l’attend sur le perron.

35.
    Il entend à nouveau les aboiements des chiens. Il se lève. Pauline Fourès, sa Bellilote, dort. Il va jusqu’à la fenêtre. Il aperçoit les minarets. Est-il possible qu’il demeure encore longtemps dans cette ville, maintenant qu’il sait qu’il ne pourra pas marcher vers Constantinople ou vers l’Inde ?
    Il descend l’escalier de marbre, il passe sa main sur le granit d’Assouan. Il doit quitter cette ville où il se sent désormais pris au piège de la répétition.
    Les chiens sont revenus hanter toutes les nuits du Caire. Il faudrait à nouveau les rabattre sur la place afin de les tuer. Et au bout de quelques semaines ils seraient encore là, courant en bandes dans les ruelles, hurlant à faire éclater la tête.
    Il faut partir, retrouver la France, l’Europe.
    Ce 21 juin, il commence donc à écrire à l’amiral Ganteaume d’avoir à tenir prêtes à appareiller les deux frégates qui sont en rade d’Alexandrie, la Muiron et la Carrère .
    Muiron, dont la mort sur le pont d’Arcole lui a sauvé la

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