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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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boire, à chanter et à danser avec eux.
    Bonaparte assiste de loin à ces scènes. Il voit l’un de ses camarades, le lieutenant Bourbers, entouré de furieux qui l’accusent d’avoir frappé l’un d’eux. On veut l’égorger. Deux sergents-majors se précipitent, l’enlèvent. Mais le lieutenant est contraint le soir même de quitter Auxonne déguisé en femme ! Il aurait fallu, dit Bonaparte à Des Mazis, faire tirer au canon sur les mutins, cette canaille abjecte qui bafoue tous les principes de la discipline.
    Ce désordre le révolte, même si la nouvelle politique lui paraît être « un pas vers le Bien ». Mais là n’est pas l’essentiel. C’est à la Corse que Bonaparte pense obsessionnellement.
    Il voudrait que son parrain Giubega agisse.
    « Jusqu’ici la prudence a indiqué de se taire, lui écrit-il encore. La vérité a peu d’appâts à une cour corrompue : mais aujourd’hui la scène a changé, il faut aussi changer de conduite. Si nous perdons cette occasion, nous sommes esclaves à jamais… »
    Il veut rejoindre la Corse. Le 21 août, enfin, il reçoit officiellement notification de son congé, qui devrait se prolonger jusqu’au 1 er  juin 1790.
     
    Les derniers jours à Auxonne lui paraissent interminables.
    Il va de la caserne à sa chambre. Il se rend chez le libraire. Il entend sonner plusieurs fois par jour le tocsin. Des gens affolés courent dans les rues. On annonce l’arrivée de bandes de brigands, puis cette grande peur, qui dure depuis un mois comme une fièvre intermittente, retombe.
    Quand à la mi-septembre Bonaparte quitte enfin Auxonne, le calme semble revenu.
     
    En route vers Marseille, où il compte rencontrer l’abbé Raynal avant de s’embarquer pour la Corse, Napoléon Bonaparte fait halte à Valence.
    On le reçoit avec joie, on se souvient du jeune lieutenant en second. Dans le salon de M. de Tardivon, on parle avec passion de cette Révolution qui bouleverse le pays, on s’inquiète des brigands qui ont mis le feu aux châteaux de la région. On espère en une monarchie rénovée qui doit naître de ces événements.
    M. de Tardivon, abbé de Saint-Ruf, prend le bras de Bonaparte. Il parle lentement, au même rythme que ses petits pas.
    « Du train que prennent les choses, dit-il, chacun peut devenir roi à son tour. Si vous devenez roi, monsieur de Bonaparte, accommodez-vous de la religion chrétienne, vous vous en trouverez bien. »
     
    Le lendemain, Bonaparte, à la proue du bateau qui descend le Rhône, se laisse griser par l’air qui vient de la mer.

Troisième partie
    La cervelle pleine des grandes choses publiques
 Septembre 1789 – 11 juin 1793

9.
    Napoléon, ce 25 septembre 1789, est le premier des passagers à quitter le navire, à bondir sur le quai du port d’Ajaccio.
    La chaleur est encore estivale. La ville, en ce début d’après-midi, somnole, troublée seulement par les voix des marins et des portefaix.
    Tout est si calme, si paisible en apparence, si différent de ce que Napoléon a imaginé, qu’il hésite un moment.
    Sa tête bouillonne de projets pour la Corse. Sa mémoire est pleine de rumeurs d’émeutes et d’images de violence.
    Il se souvient de tout ce qu’il a vécu, à Seurre, à Auxonne, des propos qu’on lui a tenus à Valence et sur le bateau qui descendait le Rhône.
    À l’un des relais, sur le fleuve, des patriotes ont voulu arrêter une jeune femme, Mme de Saint-Estève, avec qui Napoléon s’était lié le temps du voyage. On s’est étonné de la présence d’un officier à son côté. On a trouvé que la jeune femme ressemblait à la comtesse d’Artois, dont on savait qu’elle avait quitté Paris afin d’émigrer. Napoléon, heureusement, a réussi à convaincre les patriotes de leur erreur.
    À Marseille, les rues étaient envahies de patriotes arborant la cocarde tricolore. Des orateurs, debout sur des bornes ou des charrettes, appelaient à la vigilance, mettant en garde contre les brigands.
    Bonaparte, avant d’embarquer, a rencontré l’abbé Raynal, qui l’a encouragé à écrire l’ Histoire de la Corse .
    Tout au long de la traversée, Napoléon a arpenté le pont, impatient d’atteindre son but, rêvant au rôle qu’il va jouer, peut-être, auprès de Pascal Paoli si celui-ci rentre d’Angleterre ou bien au lieu et place du Babbo , s’il ne peut rejoindre l’île.
    Et puis voici la torpeur ajaccienne, la cité assoupie, qui semble hors de l’Histoire.
    Un

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