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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Dans les rues de Paris, des scènes de pillage ont eu lieu. Des voitures chargées de grain ont été arrêtées, dévalisées. La troupe a tiré. Bonaparte sait que quelque chose commence.
    Il rentre dans sa chambre. Il a entrepris la rédaction de Lettres sur la Corse .
    Il veut envoyer son étude à Loménie de Brienne, mais l’archevêque de Sens a été remplacé par Necker. Il la communiquera donc à Necker.
    Auparavant, il expédie son texte à l’un de ses anciens professeurs de l’école de Brienne, le père Dupuy, afin que celui-ci corrige les fautes éventuelles, revoie certains passages.
    Mais, précise-t-il à Dupuy, il ne sollicite pas Necker. Il n’en attend rien. Il veut seulement exposer, à celui qui dirige le royaume sous l’autorité du roi, les idées d’un patriote corse.
     
    Seul compte aux yeux de Bonaparte l’avis de Pascal Paoli. Il sent que le sol commence à trembler, qu’il faut agir vite, et le 12 juin 1789, il écrit à son héros une lettre d’un seul jet.
    « Général,
    « Je naquis quand la patrie périssait. Trente mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la liberté dans les flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards.
    « Les cris du mourant, les gémissements de l’opprimé, les larmes du désespoir environnèrent mon berceau, dès ma naissance.
    « Vous quittâtes notre île et avec vous disparut l’espérance du bonheur : l’esclavage fut le prix de notre soumission : accablés sous la triple chaîne du soldat, du légiste et du percepteur d’impôts, nos compatriotes vivent méprisés. »
    Au fur et à mesure que la plume court, le ton s’amplifie. Peu importe la réalité des faits. C’est ainsi que Bonaparte, ce jeune officier de vingt ans, voit en cette année 1789 l’histoire de sa patrie.
    Il en appelle à Paoli. Il lui explique qu’il a écrit ses Lettres sur la Corse parce qu’il est « obligé de servir ». Il n’habite pas dans la capitale, où il eût trouvé d’autres moyens d’agir. Il doit donc se contenter de « publicité ».
    « Si vous daignez encourager les efforts d’un jeune homme que vous vîtes naître, dit-il, et dont les parents furent toujours attachés au bon parti, j’oserai augurer favorablement du succès… Mais quel que soit le succès de mon ouvrage, je sens qu’il soulèvera contre moi la nombreuse cohorte d’employés français qui gouvernent notre île et que j’attaque : mais qu’importe s’il y va de l’intérêt de la Patrie.
    « Permettez-moi, Général, de vous offrir les hommages de ma famille. Et, pourquoi ne le dirais-je pas, de mes compatriotes. Ils soupirent au souvenir d’un temps où ils espérèrent la liberté.
    « Ma mère, Madame Letizia, m’a chargé de vous renouveler le souvenir des années écoulées à Corte. »
    Bonaparte relit sa lettre sans y changer un mot. Ce qu’il écrit, il le porte en lui depuis des années.
    Il est pareil à un sauteur qui, après avoir pris ses marques, bondit enfin.
    Il offre clairement ses services à Pascal Paoli, et assume les conséquences de ses propos sur la Corse.
    « J’entendrai gronder le méchant, dit-il, et si ce tonnerre tombe, je descendrai dans ma conscience, je me souviendrai de la légitimité de mes motifs, et, dès ce moment, je le braverai. »
    Quand, quelques jours plus tard, il reçoit une lettre du père Dupuy – envoyée de Laon, le 15 juillet 1789 – dans laquelle son ancien professeur lui explique qu’il faut atténuer les termes de ses Lettres sur la Corse afin de ne pas heurter le ministre Necker, Bonaparte s’insurge. Ses Lettres ne sont pas une supplique, mais un acte de combat. Qu’on sache clairement ce que pensent les patriotes corses, et qu’il en soit, lui, le porte-drapeau. Voilà l’objet de ses Lettres .
    Pas une hésitation, en effet. Il est corse, avec une si grande violence de conviction que sa plume en tremble.
     
    Il doit souvent s’interrompre, tant son impatience est grande, et il est ainsi à l’unisson des événements.
    Il ouvre la fenêtre, entend battre le rappel.
    Des cris montent des berges. Le tocsin sonne. Bientôt, des fumées s’élèvent. Bonaparte descend dans le centre d’Auxonne.
    On est le 19 juillet 1789. Des bateliers et des portefaix se sont attroupés, ils maltraitent le syndic de la ville, envahissent l’appartement du receveur, brûlent des meubles et des registres, mettent à sac les postes d’octroi

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