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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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bois », murmurait-elle comme s’il avait
pu entendre, et qui pouvait dire qu’il était enfermé dans la nuit ?
    Elle ne sortit qu’au moment de la visite, à la fin de la
matinée, ne s’éloignant pas de la porte, interrogeant Yves du regard. Il la
rassurait.
    — Rien n’est joué, disait-il. Tu devrais dormir un peu.
    Elle rentrait dans la chambre. Elle voulait voir le mieux ou
le pire, profiter aussi, jusqu’au dernier instant s’il devait venir vite, de la
vie. Et même ce mouvement instinctif des lèvres, à peine un tremblement, celui
d’un nouveau-né au bord du sein, c’était toujours la voix de Dante Revelli,
toute sa vie qu’elle lisait encore et qu’il fallait pas laisser perdre dans le
vide de la chambre.
    Elle resta donc.
    Roland passa à la fin de la journée avec leur mère. Ils
regardèrent Dante. Denise avec l’effroi dans les yeux, Roland se détournant le
premier.
    — L’infirmière m’a dit qu’il allait mieux,
murmurait-il.
    — Il mange trop, je l’avais averti, dit Denise.
    Christiane ne leur répondait pas. Elle s’approchait du lit
comme pour cacher Dante jusqu’à ce qu’ils soient sortis.
    — Je me sens mal ici, disait Denise.
    — Je m’occupe de maman, ajoutait Roland.
     
    Christiane devint l’une de ces femmes qui se couchent sur le
corps blessé de ceux qu’elles aiment.
    Elle écartait Gérard, Jeanne, Violette, Sylvie. Elle voulait
garder Dante Revelli seule, luttant contre l’insomnie, dormant par brèves
saccades, vite brisées. Elle se redressait, écoutait la respiration, lisait.
Gérard ou Sonia apportaient des journaux : « Chariot, il a refait le
coup depuis 40, et ça marche les remakes », chuchotaient-ils.
    Elle imaginait la passion de son père, s’il avait pu, comme
il disait, « suivre les événements ». Il portait en lui une
irréductible confiance qui renaissait comme une pousse ténue à chaque
déception. « Quel siècle formidable », répétait-il. Il devait vivre
encore.
    Christiane restait dans la chambre pour qu’il sente ce désir
qu’elle avait, au delà de toute raison. Il avait résisté jusque-là. Il devait
aller plus loin. Chaque nuit passée, chaque goutte de sérum – et
Christiane en suivait le chemin dans le tube – chaque parcelle de temps,
l’arrachait au gouffre et Christiane suivait les premiers appels des paupières,
elle attendait que le regard renaisse enfin.
    — Tu es bien optimiste, disait Roland dans le couloir.
(Il était venu quatre ou cinq fois ne restant que quelques minutes dans la
chambre.) Malgré tout, il a soixante-seize ans et on meurt. Je ne dis pas ça
pour t’effrayer. Mais tu sembles tellement persuadée.
    Elle lui tournait le dos, s’appuyait à la porte, dans la
chambre, pour qu’il ne puisse pas l’ouvrir. Elle refusait le réalisme.
    Agolamort. L’agrégation ou la mort. Elle avait vécu.
Il vivrait.
    — Je crois qu’on peut être raisonnablement optimiste,
disait Yves, si rien ne lâche, parce qu’à cet âge, tout est fragile.
    Elle se laissait embrasser. Elle couvrait son père,
entrouvrait la fenêtre, regardait la cour intérieure de l’hôpital, les murs
ocre, les arcades, les galeries où passaient les silhouettes blanches des infirmières.
    Elle connaissait maintenant la progression de l’ombre. Un triangle
effilé s’élargissait, noyait d’abord les galets qui pavaient la cour. Il
s’évasait, envahissait les étages, s’accrochait aux rambardes de fer forgé des
galeries, aux piliers des arcades les dessinant sur les façades, enveloppant
les troncs des quatre palmiers dont la cime, jusqu’à la nuit, flottait dans la
lumière, au-dessus des toits de tuile, eux aussi dorés par le crépuscule.
     
    Un bruit, une voix :
    — Mais ça va mieux le grand-père.
    Quand Christiane se retourne, l’infirmière a passé son bras
sous les épaules de Dante Revelli qui regarde sa fille.
30
    Roland était le seul nom que Denise Revelli n’avait pas
oublié.
    Assise devant le miroir de la salle de bains, Denise faisait
glisser entre ses doigts un foulard comme on dévide un chapelet, absorbée par
ses gestes, puis tout à coup elle levait la tête, regardait fixement son image,
le menton était pris d’un tremblement qui peu à peu gagnait tout le visage.
    — Je vous vois, vous savez ? disait-elle.
    Les mots paraissaient rugueux, la phrase noueuse.
    — Pourquoi vous êtes là ? Qu’est-ce que vous
voulez ? Si vous voulez je vous raconte quand

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