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Notre-Dame de Paris

Notre-Dame de Paris

Titel: Notre-Dame de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Hugo
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lentement son bras, et regarda le pavé avec un profond accablement. « Si ces pierres pouvaient parler, murmura-t-il, oui, elles diraient que voilà un homme bien malheureux. »
    Il reprit. La jeune fille agenouillée devant le gibet et noyée dans sa longue chevelure le laissait parler sans l’interrompre. Il avait maintenant un accent plaintif et doux qui contrastait douloureusement avec l’âpreté hautaine de ses traits.
    « Moi, je vous aime. Oh ! cela est pourtant bien vrai. Il ne sort donc rien au dehors de ce feu qui me brûle le cœur ! Hélas ! jeune fille, nuit et jour, oui, nuit et jour, cela ne mérite-t-il aucune pitié ? C’est un amour de la nuit et du jour, vous dis-je, c’est une torture. – Oh ! je souffre trop, ma pauvre enfant ! – C’est une chose digne de compassion, je vous assure. Vous voyez que je vous parle doucement. Je voudrais bien que vous n’eussiez plus cette horreur de moi. – Enfin, un homme qui aime une femme, ce n’est pas sa faute ! – Oh ! mon Dieu ! – Comment ! vous ne me pardonnerez donc jamais ? Vous me haïrez toujours ! C’est donc fini ! C’est là ce qui me rend mauvais, voyez-vous, et horrible à moi-même ! – Vous ne me regardez seulement pas ! Vous pensez à autre chose peut-être tandis que je vous parle debout et frémissant sur la limite de notre éternité à tous deux ! – Surtout ne me parlez pas de l’officier ! Quoi ! je me jetterais à vos genoux, quoi ! je baiserais, non vos pieds, vous ne voudriez pas, mais la terre qui est sous vos pieds, quoi ! je sangloterais comme un enfant, j’arracherais de ma poitrine, non des paroles, mais mon cœur et mes entrailles, pour vous dire que je vous aime, tout serait inutile, tout ! – Et cependant vous n’avez rien dans l’âme que de tendre et de clément, vous êtes rayonnante de la plus belle douceur, vous êtes tout entière suave, bonne, miséricordieuse et charmante. Hélas ! vous n’avez de méchanceté que pour moi seul ! Oh ! quelle fatalité ! »
    Il cacha son visage dans ses mains. La jeune fille l’entendit pleurer. C’était la première fois. Ainsi debout et secoué par les sanglots, il était plus misérable et plus suppliant qu’à genoux. Il pleura ainsi un certain temps.
    « Allons ! poursuivit-il ces premières larmes passées, je ne trouve pas de paroles. J’avais pourtant bien songé à ce que je vous dirais. Maintenant je tremble et je frissonne, je défaille à l’instant décisif, je sens quelque chose de suprême qui nous enveloppe, et je balbutie. Oh ! je vais tomber sur le pavé si vous ne prenez pas pitié de moi, pitié de vous. Ne nous condamnez pas tous deux. Si vous saviez combien je vous aime ! quel cœur c’est que mon cœur ! Oh ! quelle désertion de toute vertu ! quel abandon désespéré de moi-même ! Docteur, je bafoue la science ; gentilhomme, je déchire mon nom ; prêtre, je fais du missel un oreiller de luxure, je crache au visage de mon Dieu ! tout cela pour toi, enchanteresse ! pour être plus digne de ton enfer ! et tu ne veux pas du damné ! Oh ! que je te dise tout ! plus encore, quelque chose de plus horrible, oh ! plus horrible !… »
    En prononçant ces dernières paroles, son air devint tout à fait égaré. Il se tut un instant, et reprit comme se parlant à lui-même, et d’une voix forte :
    « Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ? »
    Il y eut encore un silence, et il poursuivit :
    « Ce que j’en ai fait, Seigneur ? Je l’ai recueilli, je l’ai élevé, je l’ai nourri, je l’ai aimé, je l’ai idolâtré, et je l’ai tué ! Oui, Seigneur, voici qu’on vient de lui écraser la tête devant moi sur la pierre de votre maison, et c’est à cause de moi, à cause de cette femme, à cause d’elle… »
    Son œil était hagard. Sa voix allait s’éteignant, il répéta encore plusieurs fois, machinalement, avec d’assez longs intervalles, comme une cloche qui prolonge sa dernière vibration : « À cause d’elle… – À cause d’elle… »
    Puis sa langue n’articula plus aucun son perceptible, ses lèvres remuaient toujours cependant. Tout à coup il s’affaissa sur lui-même comme quelque chose qui s’écroule, et demeura à terre sans mouvement, la tête dans les genoux.
    Un frôlement de la jeune fille qui retirait son pied de dessous lui le fit revenir. Il passa lentement sa main sur ses joues creuses, et regarda quelques instants avec stupeur ses doigts

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